Le dernier acte est clos, l’éternel rideau tombe.
C’est un héros réel qui sous nos yeux succombe.
Rien n’est fictif ici, le théâtre est vivant ;
L’ardente passion l’anime et le décore.
Spectateurs éloignés, nous ne pouvons encore
Détacher nos regards de ce drame émouvant.
Eh bien ! qui le croirait ? cette même existence
Qui jusqu’à la démence exalta le tourment,
Loin d’elle rejetant cilice et pénitence,
A pris sur ses douleurs un court enchantement.
Elle eut sa fleur aussi ; c’était un lys candide.
Qui tendait aux rayons naissants du jour splendide,
Comme une blanche coupe, un pur calice ouvert ;
L’Aurore lui prêtait son charme et son prestige,
Et, lui, ne demandait qu’à balancer sa tige
Et verser ses parfums sur le vallon désert.
Oui, l’amour a fleuri dans cette vie austère,
L’amour humain, Pascal ; ton coeur a touché terre.
Toi qu’appelait d’en haut la voix du Dieu jaloux,
Comment ! te voilà pris au piège d’un sourire,
Et devant la Beauté qui t’engage et t’attire,
Comme un simple mortel tu tombes à genoux !
Quelle était cette femme assez noble, assez belle,
Pour soumettre à son joug ce coeur fier et rebelle ?
Les hommes ici-bas jamais ne le sauront.
L’image fugitive à peine se dessine ;
C’est un fantôme, une ombre, et la forme divine,
En passant devant nous, garde son voile au front.
Autour d’elle ce n’est que silence et mystère ;
Son amant le premier se résigne à se taire,
Et peut-être fut-elle aimée à son insu.
Quoi ! séduire un Pascal et n’en avoir rien su !
Si, si, tu le savais. L’Amour a son langage.
Oh ! comme on l’entend vite et sans l’avoir appris !
Tout parle, le regard, les teintes du visage
Hélas ! n’aurais-tu pas plutôt trop bien compris ?
Nous te soupçonnons d’être une âme tendre et douce,
Craignant tout choc soudain et prompte à se troubler,
Ton amant, prodiguant l’éclair et la secousse,
N’a pu que t’éblouir sans doute et t’ébranler.
Il nous semble ici voir vers un mont qui surplombe,
Au-dessus de l’abîme emportant sa colombe,
Un grand aigle éperdu s’élever dans les cieux.
Le cher et faible oiseau tremble et ferme les yeux.
Elle ne savait pas, cette serre puissante,
Qu’en l’enlevant si haut elle allait le meurtrir.
Triste et chaste inconnue, ô colombe innocente !
Combien ton aigle a dû te faire aussi souffrir !
Il est des coeurs de feus, foyers d’ardeur intense :
Pour s’embraser soi-même il suffit d’y toucher.
Résistez à l’attrait, tenez-vous à distance,
Car c’est vouloir périr que de s’en approcher.
Si par un soi d’été la phalène imprudente
Voit dans l’obscurité luire une lampe ardente,
Affolée, elle court vers l’éclatant flambeau ;
Mais qu’elle effleure au vol la flamme de son aile,
Son trépas est certain ; hélas ! c’en est fait d’elle ;
Elle meurt consumée en ce brûlant tombeau.
Ton coeur eut donc son jour d’éclaircie et de trêve,
Pascal, puis, effrayé, ton pauvre amour en sort,
Se croyant un péché, lui qui n’était qu’un rêve.
Mais voici le réveil ; au combat ! à l’essor !
Fi des bas-fonds humains ! que le ciel seul te tente !
Là du moins tu pourras aimer sans t’avilir,
Et, s’il est dans ton coeur une place d’attente,
Trouver l’unique objet digne de le remplir.
D’un élan plus fougueux sur ta noble victime
Tu reviens à l’assaut, âpre et tenace Foi !
Plus d’espoir, l’amant cède et le savant s’abîme ;
Car c’est s’anéantir que de se rendre à toi.
Dans ton avidité, désastreuse, infinie,
Tu ne lui laissas rien qu’une croix et la mort ;
Oui, tu lui ravis tout, et trésor à trésor :
Après son chaste amour, tu lui pris son génie.
Sacrifice complet ! Jamais être mortel
N’avait encor livré tant de dons à ta flamme.
Ton rayon devint foudre en tombant sur cette âme ;
Il a tout dévoré, l’holocauste et l’autel !