Chant de fête
Louisa Siefert

Poème Chant de fête

Oh ! moi, je l'entends bien ce monde qui t'admire.
Sainte-Beuve.

Il disait : - pourquoi ce sourire,
Pourquoi ces yeux prêts à pleurer,
Pourquoi rester sans me rien dire,
Et, tout bas, pourquoi soupirer ?

Quel regret des choses passées
Du jour présent vient émerger ?
Quelle est celle de tes pensées
Que je ne dois pas partager ?

Est-ce désir, espoir ou rêve,
Inquiétude ou souvenir ?
Souffle de l'aube qui se lève
Ou de la nuit qui va venir ?

Est-ce au ciel bleu que tu regardes,
Aux clairs horizons infinis ?
Ou bien, cher ange qui nous gardes,
Est-ce au foyer que tu bénis ?

Est-ce tes enfants ou ta mère
Ou celui qui vit à tes pieds ?
Quelle envie ou quelle chimère
Fait tes doux regards tout mouillés ?

Est-ce angoisse ou mélancolie ?
Ennui, songe vain, vague effroi ?
Oh ! parle : tristesse ou folie,
Tu le sais, j'aime tout de toi !

Mais elle, relevant la tête,
Répondait : - Ne comprends-tu pas ?
Tout à l'heure, au seuil de la fête
On s'écartait devant nos pas.

J'entendais un murmure étrange
Qui s'élevait derrière nous…
Et c'était un choeur de louange
Autour du nom de mon époux.

L'un disait l'oeuvre de la veille,
L'autre le bienfait d'aujourd'hui :
Tous étaient d'accord, ô merveille !
Et tous s'inclinaient devant lui.

Tandis qu'il allait, l'âme fière
De mon bras passé sous le sien,
O candeur ! ô vertu première !
Lui n'entendait, ne voyait rien.

Mais moi, que sa gloire auréole,
Que l'honneur de son nom grandit,
Je recueillais chaque parole
Et j'écoutais tout ce qu'on dit.

Aussi pressé-je avec ivresse
Dans ma main l'anneau nuptial,
Immortel gage de tendresse,
Chaînon du lien idéal ;

Aussi plus que tous admiré-je
Ces traits lassés & maladifs
Et ce large front dont la neige
Couronne les sillons hâtifs ;

Aussi sens-je un dédain extrême
Pour les biens dont tous sont jaloux ;
Car j'ai l'amour pour diadème,
La joie & l'orgueil pour bijoux.