Lest de l’âme, pesant bagage,
Trésors misérables et chers,
Sombrez.
Théophile Gautier.
Aux pays des autres étoiles,
Aux lointains pays fabuleux,
Le vaisseau sous ses blanches voiles
Nage au gré des flots onduleux.
Le ciel et l’Océan s’unissent
Au bord de l’horizon enfui ;
Les lourdes vagues s’aplanissent
Avec un long soupir d’ennui.
Dans cette immensité sans terme
Où se perd, tombe et meurt le vent,
Le sillage qui se referme
Marque seul la marche en avant.
Ô tristesse indéfinissable !
Accablement toujours nouveau !
Ne pas voir même un grain de sable,
Ne pas même entendre un écho !
Ici, rien que la mer sans grèves,
Là, rien que l’ombre des agrès,
Rien à l’avenir que des rêves,
Rien au passé que des regrets !
La semaine suit la semaine,
Le flot que le flot submergea
Au gouffre, dans sa chute, emmène
Chaque heure qui sonne, et déjà
L’aube a d’éclatantes nuances,
Le soir des couchants orangés,
Flamboîments et phosphorescences
A nos ciels d’Europe étrangers.
Des formes d’astres inconnues,
Vaisseaux par Dieu même conduits,
Îles, perles ou fleurs des nues,
Brodent le bleu manteau des nuits.
Mais cette splendeur qui décore
Le vaste infini déroulé
Est d’un aspect plus triste encore
Aux yeux tristes de l’exilé.
Et la petite maison basse,
Frère, où sont ta mère et tes sœurs,
Pour ton cœur avait plus d’espace,
Pour ton regard plus de douceurs.