Le temple idéal où vont mes prières
Renferme tous les Dieux que le monde a connus.
Évoqués à la fois de tous les sanctuaires,
Anciens et nouveaux, tous ils sont venus ;
Les Dieux qu’enfanta la Nuit primitive
Avant le premier jour de la création,
Ceux qu’adore, en ses jours de vieillesse tardive,
La terre, attendant sa rédemption ;
Ceux qui, s’entourant d’ombre et de silence,
Contemplent, à travers l’éternité sans fin,
Le monde, qui toujours finit et recommence
Dans l’illusion du rêve divin ;
Et les Dieux de l’ordre et de l’harmonie,
Qui, dans les profondeurs du multiple univers,
Font ruisseler les flots bouillonnants de la vie,
Et des sphères d’or règlent les concerts ;
Et les Dieux guerriers, les vertus vivantes
Qui marchent dans leur force et leur mâle beauté,
Guidant les peuples fiers et les races puissantes
Vers les saints combats de la liberté ;
Tous sont là : pour eux l’encens fume encore,
La voix des hymnes monte ainsi qu’aux jours de foi ;
À l’entour de l’autel, un peuple immense adore
Le dernier mystère et la grande loi.
Car c’est là qu’un Dieu s’offre en sacrifice :
Il faut le bec sanglant du vautour éternel
Ou l’infâme gibet de l’éternel supplice,
Pour faire monter l’âme humaine au ciel.
Tous les grands héros, les saints en prière,
Veulent avoir leur part des divines douleurs ;
Le bûcher sur l’Œta, la croix sur le Calvaire,
Et le ciel, au prix du sang et des pleurs.
Mais au fond du temple est une chapelle
Discrète et recueillie, où, des cieux entr’ouverts,
La colombe divine ombrage de son aile
Un lis pur, éclos sous les palmiers verts.
Fleur du paradis, Vierge immaculée,
Puisque ton chaste sein conçut le dernier Dieu,
Règne auprès de ton fils, rayonnante, étoilée,
Les pieds sur la lune, au fond du ciel bleu.