A mon ami M. le séanteur L.-O. David
Louis-Honoré Fréchette

Poème A mon ami M. le séanteur L.-O. David

Le bon Dieu, qui mêla les épines aux roses,
Mit un regret dans tout ce que les hommes font.
Les jours les plus joyeux ont leurs heures moroses;
Nulle coupe qui n’ait un peu de lie au fond.

La tristesse est la soeur jumelle de la joie.
Et malgré moi, toujours, mon front se rembrunit,
Quand je vois par hasard un oiseau qui déploie
Pour la première fois son aile au bord du nid.

Aujourd’hui, pour nous tous, c’est jour de grande fête :
À ce foyer béni l’heure vient de sonner,
Où l’on voudrait qu’enfin le vol du temps s’arrête,
Pour laisser à loisir quatre fronts rayonner.

Jour d’ivresse pieuse et de chaste allégresse,
Où, d’un lien sacré joignant des coeurs aimants,
L’Ange des bonheurs purs, d’une double caresse,
A comblé les espoirs de deux couples charmants!
Ils s’aiment… Nul besoin que la bouche profère
Les serments que ces coeurs échangent deux à deux.
Ils s’aiment… c’est assez pour dorer l’atmosphère
De joie et de parfums qu’on respire autour d’eux.

L’aile du temps pour eux ne va pas assez vite:
Voyez! de les distraire on essaierait en vain;
C’est le bonheur qui passe, et du doigt les invite :
Laissons-les s’envoler dans leur rêve divin.

Oui, partez deux à deux, partez, belle jeunesse!
Que pour vous l’avenir se tisse de fils d’or!
Qu’après un jour heureux un autre jour renaisse,
Heureux comme la veille, ou plus heureux encor!

Embrassons-nous, partez, car l’heure est fugitive!
Et ne détournez pas vos regards en chemin,
De peur d’apercevoir une larme furtive
À l’oeil des êtres chers qui seront seuls demain!