Damoiselle et damoiseau
Jules Verne

Poème Damoiselle et damoiseau

Gentille pastourelle
Brillait comme une fleur ;
Parfum s'exhalait d'elle,
Mais parfum de fraîcheur.
Simple par excellence,
Depuis première enfance,
Si belle, s'ignorait :
De même, violette
Se cache, mais rejette
Cet arôme qui plaît !

Un jour, beau jour de fête,
Passa dans le hameau,
Près la gente fillette
Très mignon damoiseau.
Marchait en grand silence,
Car moindre outrecuidance
Loin de lui s'enfuyait ;
Etait modeste et sage :
En faut-il davantage
Pour damoiseau parfait !

Si charmante bluette

Séduit ; ne sait pourquoi :

Il se retourne, arrête

Le pas du palefroy.

Damoiseau la regarde ;

Son coeur veut mettre en garde ;

Mais déjà ne le peut :

Quand amour nous enflamme

Alors, alors notre âme

Ne fait pas ce que veut.

Il repasse et repasse,
Et toujours en son coeur

Sent croître son ardeur ;

Enfin, il interpelle :


Vous, gente demoiselle,

Acceptez-vous amour ?

Qu'à votre gentillesse

Je mesure tendresse

De nuit comme de jour ?

Mais fillette honteuse
Et s'émeut et rougit ;
En son âme joyeuse
Pourtant elle sourit :
Seigneur, répondit-elle,
Suis libre damoiselle,
Etes noble ; êtes bon ;
Parents me sont encore,
Mais parents que j'honore,
Ayez permission !

Etait si bonne, aimable,

Et lui si généreux !

Réponse favorable

Vint couronner leurs voeux.

L'amant à sa fillette

Fit galante amourette ;

Plus la considérait,

Que plus la trouvait belle,

Et que vertu nouvelle

Chaque jour lui trouvait.

Mais retard quand on aime
Devient un long tourment,
Et le moment suprême
Venait bien lentement.
Enfin beau jour arrive,
Déjà touche à la rive
La barque des amours.
Y monte damoiselle
Lui détache nacelle
Voguez, voguez toujours !