Célibat, célibat, tout n'est que célibat
Jules Laforgue

Poème Célibat, célibat, tout n'est que célibat

Sucer la chair d'un coeur élu,
Adorer de souffrants organes,
Être deux avant qu'on se fane!
Ne serai-je qu'un monomane
Dissolu
Par ses travaux de décadent et de reclus ?

Partout, à toute heure, le thème
De leurs toilettes, de leurs airs,
Des soirs de plage aux bals d'hiver,
Est : Prenez! ceci est ma chair!
Et nous-mêmes,
Nous leur crions de tous nos airs: A moi! je t'aime!

Et l'on se salue, et l'on feint
Et l'on s'instruit dans des écoles,
Et l'on s'évade, et l'on racole
De vénales et tristes folles;
Et l'on geint
En vers, en prose. Au lieu de se tendre la main!

Se serrer la main sans affaires!
Selon les coeurs, selon les corps!
Trop tard. Des faibles et des forts
Dans la curée des durs louis d'or.
Pauvre Terre !
Histoire Humaine : histoire d'un célibataire.