Pacifique Nord
Jean-Pierre Villebramar

Poème Pacifique Nord

De toutes ces lignes écrites, de toutes ces lignes disparues,
seul est resté un mot : Hiroshima !

Hiroshima ne s’efface pas de la page blanche
Hiroshima reste une tache monstrueuse sur la page blanche
Hiroshima impunie, qui oserait envoyer un Président Vainqueur devant le Tribunal ?
De La Haye ?

« Votre dossier n’est pas recevable…. »
« mais Monsieur le Juge…. »
« Votre dossier n’est pas recevable, Monsieur le Plaignant »
« mais Monsieur le Juge…. »
vous n’avez pas rempli le Certificat de Défaite.»

Peine perdue.

Toutes ces lignes écrites, toutes ces lignes
ces vies effacées, effacées
effacées instantanément, détruites à faible rayonnement alpha bêta gamma
Hiroshima alpha et oméga
de la barbarie ; alpha et oméga du cynisme quand défile le Président Vainqueur sous les Vivats des Vivants.
Sous l’absolu silence.
Sous le silence absolu des morts.

Vivat ! Vivat ! Hiroshima ! Il a sauvé
la Démocratie.

Prenant mon sac, je ferme ma maison portes et fenêtres closes absolument
et pars très loin, où ne m’attend aucun Tribunal International, là où jamais ne rencontrerai le Président Vainqueur, sous les vivats, Hiroshima.

Marchant vers l’Ouest, à travers la grande prairie et les belts, je marche
je marche vers les Montagnes Rocheuses.
Je ne me tourne pas vers l’Est pour ne pas voir, ne pas voir les lueurs violettes de Los Alamos, je me cache dans ma tanière pour hiberner. Peine perdue.


Au plus profond de la nuit d’hiver brûle la flamme.
Hiroshima, Hiroshima, qui effacera ton ombre ? Qui osera l’effacer ? Qui osera, qui osera, Hiroshima ? Ton ombre immense qui s’étire bras en croix
depuis la grande prairie depuis les belts
sur la vallée de la Mort, sur les rives du lac Salé
étendue même sur les lumières de Salt Lake City mais Hosanna Hiroshima
voici les hautes cimes des Rockies
je les gravis, hourra hourra Hiroshima voici au delà des crêtes l’Océan
l’océan immense
immense immense devenu immensément
l’Océan
devenu enfin, mais tard, mais bien trop tard Hiroshima
devenu tard, mais bien trop tard
enfin enfin Hiroshima
Pacifique.