Une amoureuse ardeur
Jean-Antoine de Baïf

Poème Une amoureuse ardeur

Une amoureuse ardeur,
S’elle n’est feinte,
Ne chasse point du coeur
Soupçon et creinte.

Tel est l’état d’Amour
» Qui les liesses
» Echange tour à tour
» Et les tristesses.

Plus je suis amoureux,
Plus je soupçonne
Que ton coeur langoureux
Ailleurs s’adonne.

J’ay de toy bien souvent
Belles paroles,
Mais j’écri dans le vent
Telles frivoles.

Si pareille à ma foy
Estoit la tienne,
Tu essayrois dans toy
La peine mienne.

Comme en tant que je puis,
L’amour fidelle,
Dont obligé me suis,
Je te decele,

Ainsi de ton pouvoir
Ton amour grande
Or tu me ferois voir
A ma demande.

Si ton coeur ne dement
Ta voix certaine,
Prouve moy donc comment
Elle n’est vaine.

Si nos coeurs mesmes sont,
Je m’emerveille
Que tous deux ils ne vont
A fin pareille.

Le vouloir et l’amour
Sont chose mesme,
Quand d’un mesme retour
L’un et l’autre aime.

Où mesme est le vouloir
Et la puissance,
Qui garde de valoir
La jouissance ?