Des chants, voilà toute sa vie !
Ainsi qu’un brouillard vaporeux,
Le souffle animé de l’envie
Glissa sur son coeur généreux
Toujours sa plus chère espérance
Rêva le bonheur de la France ;
Toujours il respecta les lois…
Mais les haines sont implacables,
Et sur le banc des vils coupables
La vertu s’assied quelquefois.
Qu’a-t-il fait ? pourquoi le proscrire ?
Ah ! c’est encor pour des chansons :
Courage ! étouffez la satire,
Au lieu d’écouter ses leçons.
Quand une secte turbulente,
Levant sa tête menaçante,
Brave les décrets souverains,
Vous restez muets, sans vengeance,
Et vous n’usez de la puissance
Que pour combattre des refrains…
Ô Béranger ! muse chérie !
Toi dont la voix unit toujours
Le souvenir de la patrie
Au souvenir de tes amours,
Tendre ami, poète sublime,
Du pouvoir jaloux qui t’opprime
Tes nobles chants seront vainqueurs ;
Car ils parlent de notre gloire,
Et, comme un récit de victoire,
Ils ont fait palpiter nos coeurs.
Un jour viendra, la France émue
Rendra justice à tes vertus ;
On verra surgir ta statue…
Mais alors tu ne seras plus !
Car un poète,sur la terre
Doit lutter contre la misère
Et des détracteurs odieux,
Jusqu’au jour où, brisant ses chaînes,
Le droit vient terminer ses peines
Et le placer au rang des dieux.
Mais nous que charma son délire
Quand il chantait la liberté,
Accourons, enfants de la lyre,
Devançons la postérité.
Pour célébrer notre poète,
Pour poser des fleurs sur sa tête,
N’attendons pas qu’il ait vécu…
Si dans la lutte qui s’engage
Son sort doit être l’esclavage,
Redisons tous : Gloire au vaincu !