A Catulle Mendès.
Sur ce couvercle de tombeau
Elle dort. L’obscur artiste
Qui l’a sculptée a vu le beau
Sans rien de triste.
Joignant les mains, les yeux heureux
Sous le voile des paupières,
Elle a des rêves amoureux
Dans ses prières.
Sous les plis lourds du vêtement,
La chair apparaît rebelle,
N’oubliant pas complètement
Qu’elle était belle.
Ramenés sur le sein glacé
Les bras, en d’étroites manches,
Rêvent l’amant qu’ont enlacé
Leurs chaînes blanches.
Le lévrier, comme autrefois
Attendant une caresse,
Dort blotti contre les pieds froids
De sa maîtresse.
Tout le passé revit. Je vois
Les splendeurs seigneuriales.
Les écussons et les pavois
Des grandes salles.
Les hauts plafonds de bois, bordés
D’emblématiques sculptures,
Les chasses, les tournois brodés
Sur les tentures.
Dans son fauteuil, sans nul souci
Des gens dont la chambre est pleine,
A quoi peut donc rêver ainsi,
La châtelaine ?
Ses yeux où brillent par moment
Les fiertés intérieures,
Lisent mélancoliquement
Un livre d’heures.
Quand une femme rêve ainsi
Fière de sa beauté rare,
C’est quelque drame sans merci
Qui se prépare.
Peut-être à temps, en pleine fleur,
Celle-ci fut mise en terre.
Bien qu’implacable, la douleur
En fut austère.
L’amant n’a pas vu se ternir,
Au souffle de l’infidèle,
La pureté du souvenir
Qu’il avait d’elle.
La mort n’a pas atteint le beau.
La chair perverse est tuée,
Mais la forme est, sur un tombeau,
Perpétuée.