Aujourd’hui le temps est épouvantable :
Il pleut et mon cœur s’embête à pleurer.
J’ai pris, d’un paquet traînant sur ma table,
Une cigarette au fin bout doré ;
Et j’ai cru te voir en toilette claire
Avec tous tes passés à tes doigts,
Traînant par la vie, élégante et fière
Sous les yeux charmés du monde et de moi.
Ah ! la bonne cigarette
Que j’ai fumée…
Pourtant mon cœur la regrette,
Ô bien aimée ! Ah ! la bonne cigarette
Que j’ai fumée…
Pourtant mon cœur la regrette,
Ô bien aimée !
J'ai pris une braise au milieu des cendres
Et je me suis mis alors à fumer
En m'entortillant dans les bleus méandres
De ma cigarette au goût parfumé ;
Et j'ai cru sentir passer sur mes lèvres
Un baiser pareil aux baisers brûlants
De ta bouche en feu, par les nuits de fièvres
Où je m'entortille entre tes bras blancs.
J'ai jeté ce soir parmi la chaussée
Cigarette morte au feu du tantôt;
Un petit voyou qui l'a ramassée
Part en resuçant son maigre mégot ;
Et, devant cela, maintenant je pense
Que ton corps n'est pas à moi tout, entier,
Que ta chair connaît d'autres jouissances
Et que je te prends comme un mégottier.