Ô jeunesse, fervent et clair foyer d’amour,
Tu fais au ciel l’aveu sonore de ta joie,
Et ta flamme, luttant d’éclat avec le jour,
Aux quatre vents, pareille à la Chimère, ondoie !
Mais tu n’as pas plus tôt brillé de tout ton feu
Que, prompte à dévorer le sang qui t’alimente,
Tu languis, déjà sombre, et tu meurs, et qu’au lieu
Où tu brûlais tressaille une poudre fumante.
Qu’un autre, soucieux pour elle de repos,
Ou l’estimant peut-être égale en gloire à celle
Qu’un soin pieux tirait du bûcher des héros,
L’enferme dans une urne arrogante et l’y scelle !
Moi, je suivrai l’exemple heureux d’un laboureur
Qui va, portant de cendre une besace pleine
Il la lance aux sillons luisants, et son labeur
Avant d’ensemencer fertilise la plaine.
Ainsi, mon âge ardent ayant marqué sa fin
Par un flocon d’azur, là-haut, qui s’évapore,
J’en crible la poussière âcre et douce, et ma main
Dans les coeurs larges ouverts la répand, chaude encore.
Et si, tendresse, amour, douleur, révolte et foi,
Si dans mes vers un peu de l’homme se résume,
Un jour j’aurai l’orgueil d’entendre autour de moi
Des fils puissants monter de ma pauvre amertume ;
Et j’imiterai mieux alors mon paysan,
Qui, fier d’une moisson dès l’avril escomptée,
Chaque soir, visitant sa terre, au fort de l’an,
Par le bruit de ses blés a l’oreille flattée