Pépère
Bernard Dimey

Poème Pépère

Pépère, écout’pas ça, c’est du mélancolique.
À chaque fois qu’tu l’entends, tu fais ton cinéma,
Ça te rappelle des trucs, cette espèce de musique,
Ça te rappelle Germaine mais ça tu l’diras pas.

Écoute pas ça, j’te dis ; t’as déjà l’œil qui brille,
Tu tires sur ta cibiche comme au bal des pompiers,
Y paraît qu’tu savais baratiner les filles,
Y paraît qu’au chamboule-tout t’étais toujours premier.

Je vois l’accordéon tourner sous ta casquette
C’est comm’ la foire du trône, réveillé d’un seul coup
Quand on a dix-huit ans, c’est merveilleux la fête,
À présent c’est foutu, tu n’y vas plus beaucoup.

Pépère, écout’ pas ça, et parle-moi d’Germaine.
Y paraît qu’avec elle t’avais l’sifflet coupé,
Que tu v’nais la chercher chez papa toutes les s’maines,
En promettant surtout d’la ram’ner pour souper.

Pépère, écout’pas ça, tu vas pleurer par terre
Si tu rentres chez toi avec des yeux rougis
Mémène elle va penser que t’as forcé sur l’verre
Elle comprendra jamais que l’biniou t’a surpris.

C’est pernicieux comme tout les pianos à bretelles,
Ça vous balance des airs au décrochez-moi ça,
Des sonates à deux ronds dans le fond des ruelles
Avec des mots tout neufs qui n’en finissent pas.

Pépère, on va rentrer, vas-y, finis ta bière,
Il est minuit passé, c’est plus des heures pour toi.
Le patron du bistrot va boucler ses lumières
Et pour le dénicheur, ça s’ra la prochaine fois