Allumés dans la nuit sereine où nous mourons,
Gazons qui fleurissez les humaines reliques,
Vous n’êtes pas encor tout ce que nous serons !
Grands bois debout dans l’ombre où naissent les mystères,
Nuages qui passez, rapides, sur nos fronts,
Sources aux regards lents et doucement austères,
Vous n’êtes pas encor tout ce que nous serons !
Plus haut que la forêt, que la vapeur légère,
Que l’étoile embrasée et que les cieux béants,
S’achemine, au delà des terrestres néants,
Une part de notre âme à nos corps étrangère,
Qui ne subira plus l’injure passagère
Des formes que la Mort prend, rassemble et distend.
- Elle se fait en nous dans l’ombre et nous attend,
Cette part de notre âme à nos corps étrangère !
Elle se fait, en nous, de l’espoir révolté
Qui seul nous faisait vivre et que trahit la vie :
- De tout ce qui laissa notre âme inassouvie
Se forme et croit en nous notre immortalité.
Le trésor de nos voeux perdus grossit sans trêve
Et le flot de nos pleurs jusqu’au ciel est monté :
- Des larmes de l’Amour et des splendeurs du Rêve
Se forme et croit en nous notre immortalité ?
Nohant, 1867.