A VICTOR CAPOUL.
On l’appelait la noctuelle pour
ce qu’elle errait, chaque nuyct,
blanche et eschevellée.
(Vieux conte toulousain.)
Au blanc soleil de minuit
Qui semait d’argent la grève
Elle allait, pâle et sans bruit.
Le front perdu dans un rêve.
Des genêts d’or s’effeuillaient
Et les vers luisants brillaient
Sur sa route habituelle.
L’onde claire des étangs
Baisait ses cheveux flottants.
- On l’appelait la noctuelle.
Où vas-tu, sauvage enfant,
Par ces routes ignorées ?
- Je vais où souffle le vent
Des amours désespérées.
Car, apprends-le, je t’aimais !
Je ne te l’ai dit jamais,
Ma peine était trop cruelle !
Mais puisque tu pars demain,
Ami, Donne-Moi Ta Main.
- Adieu donc pauvre noctuelle !
Je revins longtemps après,
Las du monde où l’on oublie
Sûr que je la reverrai
Plus aimante et plus jolie.
L’âme des anges s’enfuit
Vers les cieux profonds où luit
Une aube perpétuelle.
La nuit, la mer et les bois
M’ont dit, pleurant à la fois :
- Elle est morte la noctuelle !