Je sais la vanité de tout désir profane.
À peine gardons-nous de tes amours défunts,
Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
Y laisse d’âme et de parfums.
Ils n’ont, les plus beaux bras, que des chaînes d’argile,
Indolentes autour du col le plus aimé ;
Avant d’être rompu leur doux cercle fragile
Ne s’était pas même fermé.
Mélancolique nuit des chevelures sombres,
À quoi bon s’attarder dans ton enivrement,
Si, comme dans la mort, nul ne peut sous tes ombres
Se plonger éternellement ?
Narines qui gonflez vos ailes de colombe.
Avec les longs dédains d’une belle fierté,
Pour la dernière fois, à l’odeur de la tombe,
Vous aurez déjà palpité.
Lèvres, vivantes fleurs, nobles roses sanglantes,
Vous épanouissant lorsque nous vous baisons,
Quelques feux de cristal en quelques nuits brûlantes
Sèchent vos brèves floraisons.
Où tend le vain effort de deux bouches unies ?
Le plus long des baisers trompe notre dessein ;
Et comment appuyer nos langueurs infinies
Sur la fragilité d’un sein ?
II
Mais la vague beauté des regards, d’où vient-elle,
Pour nous mettre en passant tant d’espérance au front ?
Et pourquoi rêvons-nous de lumière immortelle
Devant deux yeux qui s’éteindront?
Femme, qui vous donna cette clarté sacrée
Dont vous avez béni la ferveur de mes yeux?
Et d’où vient qu’en suivant votre trace adorée
Je sens un dieu mystérieux?
III
Oh! montrez un moment au monde
Votre fragilité féconde,
Et semez la vie à vos pieds !
Puis passez, formes éphémères;
Femmes, puisque vous êtes mères,
C’est qu’il convient que vous mouriez.
Votre divinité ne dure,
Douces forces de la Nature,
Que ce qu’il faut pour son dessein.
La race impérissable et belle,
Voilà cette chose immortelle
Que l’on rêve sur votre sein !
C’est par vous que l’heureuse vie
Tour à tour en la chair ravie
S’allume, et ne s’éteindra pas.
En vous la vie universelle
Éclate, et tout homme chancelle,
Ivre de beauté, sur vos pas.
Vivez, mourez, pleines de grâce ;
Les hommes et les dieux, tout passe,
Mais la vie existe à jamais.
Et toi, forme, parfum, lumière,
Qui fleuris ma vertu première,
Ah ! je sais pourquoi je t’aimais