Disposer à marcher en bandes et à connaitre la fouille
La bande des tiens prétexte que cherche les patrouilles
Disposer à s’unir en ami de la cité, à subir les familiarités
A mourir trop loin de l’égalité
Disposer à être tutoyer par toute institution
Institution méprise et déplore ton élocution
Qu’est-ce qui pousse un jeune à garder l’argot et la démarche
Alors qu’il sort de l’horizon et qu’il prend de l’âge ?
Entre le jeune abonné aux musées et celui à l’abri de bus
Seul un des deux portera le poids de son habitus
On a les mêmes os, la même langue, le même sang mais t’oublies un détail
L’genre d’accent avec lequel tu finis tes phrases
Tu sais qu’les riches sont pas plus libres que toi
Eux aussi sont aliénés par leurs mots, leur code, leurs choix
Sauf que leur argot est bien vu, il est même courtisé
On dit du tien qu’il est bad, dis-leurs qu’il est souligné
Leur style et leur mode sont juste plus prisés
En plus, tu grandis et l’argot du préau n’est plus l’consensus
Deux poids, deux mesures en fonction d’ta voix, ton allure
Ton aisance du langage dans la guerre du langage
Ce monde peut cerner d’où tu viens et j’en ai pas dit plus
Humain, tu restes emprisonner par tes habitus
Le quartier a ses règles, ses lois, son langage, son argot
Tu sais d’quoi j’parle surtout quand t’es ado
Rempli d’vivacité, tu sors du bahut, du chahut
Contaminé par les expressions tordues d’la rue, t’as vu ?
Tu ramènes à l’école une manière de parler
Tu t’la racontes, la manière de manier la langue et de s’tailler
Tes parents se sont dit, l’école change les nantis
Mais leur enfant grandit, veut parler comme un bandit
C’est une règle sociale, on s’adapte à notre monde
L’accent, le verbe, la phrase te reflète, te ressemble
T’as un arrière-goût du quartier, tu restes son ombre, c’est chaud
Les mots qui t’servent à parler reflètent l’écho des autres
T’as pas encore conscience que le langage est ton passeport
Plus tard, faudra qu’tu parles bien ou bien que tu parles fort
Ton horizon d’enfant construit ta personnalité
Tes manières, ton argot t’façonne comme personne n’a idée
Ca jouera sur l’mariage, sur l’choix du job
Sur ton décor, sur le nom des gosses, sur l’choix de l’école
De la musique que t’écoutes, de celle que tu comprends pas
Des malheureux que tu écoutes et d’ceux que tu n’entends pas
Si tu es de ceux qui ont grandi dans le gris des tours
L’oreille bien trop rempli par l’argot qui s’écoule
Tu auras tendance à être moins à l’aise au centre-ville
Que dans le quartier sensible où ta jeunesse a grandi tranquille
D’autres sont nés avec la chance d’avoir la langue dominante
Qui s’habille de l’accent des capitales scintillantes
En vrai, ils n’ont pas de mérite d’être né là où ils sont nés
Mais ils ont le passeport dans la guerre du langage français
On a les mêmes os, la même langue, le même sang mais j’oublie un détail
L’genre d’accent avec lequel je finis mes phrases
C’monde peut cerner d’où je viens et j’en ai pas dit plus
Humain, j’reste emprisonné par mes habitus
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