Surprise ! C’est son anniversaire et pourtant c’est lui qui offre un cadeau à ses fans : Niro vient de sortir un nouvel album, sans prévenir. Seulement quelques mois après la sortie de son dernier album-tiroir Stupéfiant, qu’il a sorti en quatre fois sur une durée de deux mois, il revient avec ce nouveau projet, Sale Môme. Avec une photo de lui-même enfant en tant que cover, Niro laisse entendre un album très introspectif, lui qui fête aujourd’hui ses 33 ans. Il faut creuser, mais effectivement c’est un album très personnel qu’il nous présente là.
Niro, le quartier, il connaît. Sans parler de ses origines marocaines. De fait, il connaît également toutes les discriminations relatives à cette condition sociale. Par cette punchline efficace, il remet en question la prétendue ascension sociale que l’on promet notamment aux descendants d'immigrés tant qu’ils se donnent les moyens de le faire. « Quand on veut on peut » et tous les discours autour de la méritocratie ne demeurent qu’une théorie, quand les faits - et notamment le vécu de Niro - montrent une réalité bien lointaine. Les discriminations, les conditions des quartiers et les politiques pénales ne mènent les jeunes gens issus de minorités qu’à persévérer dans une carrière de délinquance. Un propos assez justement prononcé par Niro.
Ces quelques mots méritent leur place dans cette sélection de punchlines ne serait-ce que pour la touche de poésie que ramène Niro dans son phrasé. A deux doigts de faire du Baudelaire, l’image des roses est particulièrement percutante pour parler d’un enfant et de son évolution - qui dévie du droit chemin.
« Poto, l’amour c’est c’que j’réclame le moins, eh, j’finis mes phrases avec une arme de poing »
Niro expie sa haine sur Oeil de Juda, avec une force émanant de sa voix autant que de ses lyrics : habile jeu de mot avec les homophones point/poing, cette phrase percute parmi toutes les autres. Pas de place pour les sentiments, ici c’est la rue.
« Quelque part y’a la paix qui m’attend / dans mon coeur, y’a personne qui t’entend »
À qui Niro s’adresse-t-il dans ce morceau ô combien mélancolique ? À une femme ou à lui-même, un lui-même d’une autre époque ? En tous cas, la paronomase sur « m’attend » et « t’entend » est ici particulièrement intéressante : on peut attendre longtemps si personne n’entend.
Niro dans le flou d’une vie de malmené voit sa perception des choses troublées : le bien et le mal voient leurs rôles inversés. Penchant pour le diable, et ses tréfonds sibyllins, il y trouvera plus de bien que dans ce que le monde lui hurle comme étant bon. Peut-être fait-il ici référence à la délinquance qui lui aurait apporté bien plus que le « droit chemin » semé d’embûches ? Toujours est-il que la phrase est assez bien tournée et parlera à plus d’un.
« A chaque fois que j’m’en sors la vie m’demande de m’rasseoir »
Cerise sur le gâteau avec cet avant-dernier titre de l’album, profondément mélancolique et personnel. Sur un storytelling on ne peut plus intime, Niro excelle dans la transmission des émotions. Cette punchline rappelle la fatalité du vécu de Niro - de part bien des facteurs qui lui sont défavorables : chaque réussite cache malheureusement pour lui une difficulté de plus. Et toujours sur ce même morceau, « J’attends pas ton album, j’attends Sidna Issa », il rappelle le plus important pour lui avant toute chose : sa foi. Il reste fidèle quoiqu’il arrive à ses principes et ses croyances, qu’il placera au-delà de tout succès dans la musique. Une belle preuve d’humilité du rappeur, pour la touche finale de cet album.