À mon jeune ami Paul B***
Autrefois dans Bagdad, la ville des merveilles,
Grandissait Abdallah, fils du cheik El-Modi,
Que les derviches et les vieilles,
Dont ses propos moqueurs échauffaient les oreilles,
Nommaient dans leur colère Abdallah le Maudit.
Il n’avait, orphelin, ni mère ni soeur tendre,
Hélas ! pour l’enchaîner doucement au devoir,
Pour payer son travail par les baisers du soir,
Ou punir sa paresse en les faisant attendre.
Une mère, une soeur, c’est le premier des biens :
Vous le savez, enfants… et moi, je m’en souviens !
Passe encor s’il n’eût fait qu’agacer par derrière
Le derviche immobile en son culte fervent
Et lui tirer la barbe, ou bourrer de poussière
La pipe du soldat qui dormait en plein vent ;
Mais gourmand et voleur !… oui, j’ai lu dans l’histoire
Qu’il aimait un peu trop la figue et le raisin
Du voisin ;
Fécond en malins tours, il y mettait sa gloire,
Et cadis, marchands, bateleurs,
Dit-on, se méfiaient de lui les jours de foire
Plus que des Quarante voleurs !
Las enfin d’en gémir, à sa folle conduite
Un vieil oncle l’abandonna ;
D’Abdallah le Maudit chacun se détourna ;
Le bruit seul de ses pas mettait les jeux en fuite.
Il réfléchit alors : la voix qu’il étouffait,
Cette compagne intérieure
Qui chante de joie ou qui pleure,
Suivant qu’on a bien ou mal fait,
La Conscience en lui gronda, juge implacable.
Alors dans le désert un saint homme vivait
D’aumône et d’au, n’ayant que le roc pour chevet,
Et, pleine de pardons, quand sa main vénérable
Les répandait sur un coupable,
À l’arrêt inspiré toujours Dieu souscrivait :
Il me pardonnera sans doute,
S’il pardonne au remords, dit l’enfant, et voilà
Au milieu du désert ses petits pieds en route :
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