Boris Vian a vécu une enfance visiblement heureuse à Ville d'Avray. Il a 9 ans lorsque la crise de 1929 touche sa famille qui se retrouve ruinée. Le père de Boris aménage alors la maison du jardin pour les siens et loue leur villa à la famille Mehuin. Le jeune Yehudi Mehuin, musicien prodige devient alors grand ami de Boris. Il n'est pas le seul artiste à fréquenter les mêmes lieux de vie que Boris : ils sont aussi voisins et amis avec la famille Rostand, avec qui ils aiment visiblement passer de longs moments à jouer à toutes sortes de jeux littéraires. Cela l'a sans doute influencé sa vie entière, lui qui fut membre du collège de Pataphysique avec son très grand ami Raymond Queneau. Il aimait tant jouer avec les mots, qu'il inventa le mot "tube", certes péjoratif dans sa bouche... ("Le tube" fut enregistré par Heny Salvador en 1957) Mais Vian n'aimait pas le mot "Saucisson", employé jusque là pour désigner un grand succès!
Retour à l'enfance de Vian : il tombe sévèremet malade à 12 ans et en gardera sa vie durant des traces de fragile santé... Mais ça ne l'empêche pas en 1938 de monter avec ses frères leur premier groupe de jazz : l'Accord Jazz.
Élève extrêmement doué, il apprend tout seul à jouer de la trompette en s'inspirant de Bix Beiderbecke qui soufflait sur le côté de sa bouche ; il prépare alors son concours pour entrer à Centrale (1939). C'est la radio qui lui transmet la passion du jazz en lui fasaint découvrir Duke Ellington. Et comme il semble s'ennuyer sévèrement dans son école, il monte un autre groupe avec ses frères pour jouer dans les fêtes organisées par les jeunes de l'époque. En 1942, il rejoint l'orchestre amateur de Claude Abadie, jouant des morceaux américains ce qui est alors interdit! L'orchestre restera après guerre, l'un des meilleurs de l'époque... En parallèle, Vian commence à écrire des chansons en 1944.
En 1946, Charles Delaunay qui a créé la revue Jazz Hot, lui fait découvrir Dizzy Gillespie et Charlie Parker. Vian rédige des chroniques sur le jazz pour le journal "Combat" et est un critique hors pair, détestant plus que tout le conformisme et la guerre que se livrent les amateurs de jazz. L'année suivante ses frères et lui ouvriront Le Tabou en plein Saint Germain, alimentant en articles à sensations les journaux people de l'époque... En 1948, il entre au Club Saint Germain où il recevra Duke Ellington, Charly Parker, Miles Davis, Kenny Clarke etc.
En 1949, il écrit "C'est le be-bop" qu'Henry Salvador chante et qui sera leur 1er succès. Il écrira plus de 400 chansons dans toute sa courte carrière.
Il doit cesser de jouer de la trompette en 1951 à cause de sa santé fragile mais restera très proche du monde du jazz : il écrira des articles pour Jazz hot et en dirigera la collection Jazz chez Phillips. La guerre d'Indochine le choque beaucoup et le pousse à écrire "Le Déserteur" qui sera un vrai scandale, chanté par Mouloudji et Serge Reggiani en France et Joan Baez aux États-Unis. En 1955, il monte sur la scène des Trois Baudets et interprète entre autre La complainte du boucher, "J'suis snob" et "La Java des bombes atomiques", soutenue à pleines plumes par le journal satiriste "Le Canard Enchaîné".
En 1956, Michel Legrand lui fait écouter des disques de rockn'roll rapportés des Etats-Unis. Aussitôt il écrit "Rock and Rol Mops" qu'il édite sous le nom d'Henry Cording et qu'interprète Henry Salvador, le parolier étant Vernon Sinclair. Ce nom d'emprunt est celui qu'il avait utilisé pour écrire "J'irai craché sur vos tombes", pour lequel il fut condamné sévèrement. Vian était de ceux qui pouvaient écrire un article intitulé "Public de la chanson, permets qu'on t'engueule" (Canard Enchaîné, 1958), parce que le public avait boudé le dernier album de Georges Brassens dans lequel figurait "Le pornographe du phonographe", "La femme d’Hector" etc. Boris Vian s'est éteint en 1959, quelques minutes après le début de la projection de l'adaptation de "J'irai craché sur vos tombes".
Cet homme brillantissime, qui avait aussi écrit un opéra, déposé plusieurs inventions brevetées, été peintre et pataphysicien fut un artiste à la créativité infinie. Il mourut à 39 ans mais laisse dans la culture française une trace bien plus puissante que celle de tous ses vils détracteurs....