paroles Big Sean Detroit 2

Detroit 2

Big Sean

Date de Sortie : 04/09/2020
 

Big Sean et sa mixtape Detroit 2

Publié le: 07/09/2020 12:05
Mis à jour le: 05/10/2020 12:27
Voilà un bon moment maintenant qu'on n'avait pas eu l'occasion de voir Big Sean en solo sur un projet. Notre patience est néanmoins récompensée par la sortie de ce nouvel opus de Detroit.

Big Sean est de retour avec son premier projet solo depuis maintenant trois ans, Detroit 2. Et si votre mémoire vous fait défaut, cette mixtape fait suite au premier opus de Detroit, datant de 2012, et qui avait révélé l’artiste au grand public au travers de featurings assez prestigieux : J.Cole, Kendrick Lamar, Snoop Dogg ou même Tyga avaient été invités sur le projet. 

 

Mais huit ans se sont écoulés depuis Detroit, et l’artiste a grandement évolué dans la sphère musicale, partageant notamment un projet remarquable aux côtés de Metro Boomin. Detroit 2, cette fois-ci en solo - ou presque, aux vues des invités affluants sur la tracklist - est donc le témoin de cette évolution : Big Sean a grandit à tous points de vue, du moins c’est ce qu’il affirme  et ce qui motive la sortie de cette nouvelle mixtape. Mais au-delà de l’expression de son évolution, c’est également un retour au source et donc constitue également l'occasion de rendre hommage à sa ville natale et ses artistes. À voir donc s’il tient sa promesse, sur ce long projet constitué de 20 tracks. 

 

« And they want me to stop but why would I stop?  / Huh? I am unstoppable / Hold up, why would I stop? / Bitch, why would I stop? »

 

Pourquoi arrêterait-il ? Il est inarrêtable. La réponse est assez claire au travers de cette introduction sur Why I Would Stop, en plein égotrip - il se place tout de même en remède à tous les maux, rien que ça. En soi, le morceau est assez efficace, et ne manque pas d’introduire l’album avec des beats énergiques et un flow entêtant (un « Why would I stop ? I am unstoppable » aux airs de « This is America » de Childish Gambino). Le titre dispose même de sa propre outro aérienne, qui fait subitement redescendre l’énergie explosive, et sert d’habile transition vers la seconde track.

 

« Shit, lucky me, to be rich in a world where nothing's free / And separated from hell by one degree / Surrounded by niggas who did first degree »

 

Avec une prod instrumentale rythmée d’un piano jouant ses arpèges en boucle, Big Sean se balade sur Lucky Me avec un flow assez posé, ne laissant en rien présager ce qu’il nous réserve sur la deuxième partie du morceau, introduite habilement par un choeur dramatisant la transition entre les deux. Après le calme vient la tempête, et la seconde partie déchaîne le rappeur qui kick dans une rapidité que l’on peine à suivre. Il est intéressant de noter que les lyrics suivent la musicalité : de l’humilité, Big Sean passe subitement à l’égotrip dans un lunatisme imprévisible.

 

« Fuck rap, I'm a street legend / Block love me with a deep reverence / I was birthed in a C-section / Hella cops and police presence / We got opps so we keep weapons, we on y'all block while y'all eat breakfast »

 

Deep Reverence agit comme une visite de Detroit, en compagnie de Nipsey Hussle, invité sur le morceau. Il faut avouer que la prestation de l’invité est pour le coup assez impressionnante : le rappeur en impose et ne manque pas d’asseoir sa street-crédibilité. Mais Big Sean n’est pas en reste, même s’il adopte une posture sensiblement différente, en tant qu’il évoque son beef avec Kendrick Lamar, avant d’entrer dans quelque chose de bien plus introspectif qui n’est pas moins appréciable, bien au contraire. Il est on ne peut plus agréable de pénétrer cette intimité car c’est là que l’on se retrouve le mieux au travers de l’artiste.

 

« Bring that body to me / Baby, come closer, closer / Give it to me / Oh, yeah, baby / I give you ecstasy »

 

Body Langage nous fait l’honneur de deux invités, Ty Dolla $ign et Jhené Aiko pour un morceau on ne peut plus mielleux, où l’on découvre Big Sean dans un univers qu’on ne lui connaissait pas tant mais où il s’anime merveilleusement bien. Le R&B lui réussit on ne peut mieux. La ballade est exécutée par chacun de ses acteurs avec une sensualité des plus appréciables, et au sein de laquelle Jhené ne manque pas de s’imposer entre les deux, à tel point que le morceau aurait pu être le sien. Le titre saura plaire à à peu près n’importe qui, même ceux qui seraient encore dubitatifs aux égards de Big Sean.

 

« And then, famed Detroit rapper Danny Brown came in / Now this time, I wasn't that familiar with Danny Brown's music »

 

Et si l’album porte le nom de Detroit, il ne faut pas oublier que c’est pour rendre hommage à la ville. Et cette mission n’est pas perdue de vue avec l’interlude Story By Dave Chappelle. A cet égard, on y entend ledit Dave Chappelle, humoriste et producteur, qui prend la parole pour raconter l’histoire de Danny Brown, un rappeur issu de Detroit. Ce format d’interlude est pour le moins étonnant, même si on a déjà vu Logic en faire l’usage sur ses intros et outro, mais remplit plutôt bien sa fonction de transition, et donne un côté très aboutit à la mixtape.

 

« But I gotta thank God though / ‘Cause he got me workin' harder than my demons »

 

Harder Than My Demons vient comme une explosion à la suite de cette transition. Largement soutenu par un choeur étouffé mais pas moins emphatique et un beats marqué, Big Sean prend ses aises sur un couplet unique, conclu par une outro menant aux cieux. On aurait sans doute apprécié que le morceau soit plus long, mais c’est l’unique regret possible sur ce morceau on ne peut plus addictif.

 

« I know the whole world can feel it / I know that they can see it (Oh), uh / Oh, I hate to admit that I need you, I need you, I need you / Next to me »

 

Big Sean devrait peut-être définitivement se reconvertir au R&B tant ses prestations dans le style sont délicieuses. Guard Your Heart en est à nouveau la preuve. Accompagnés de cordes et d’un piano aux sonorités jazzy, Earlly Mac, Anderson .Paak et Wale et Big Sean s’associent pour donner un morceau aux airs angéliques et apaisants. 

 

« Dodged so many rainy days, it changed my complexion / Hang up on your ass and say I lost the connection / I turned out to be the man that I manifested » 

 

La collaboration immanquable de l’album est sans aucun doute Friday Night Cypher, qui invite une flopée de rappeurs de Detroit : Tee Grizzley, Kash Doll, Cash Kidd, Payroll, 42 Dugg, Bobby Jones, Drego, Sada Baby, Royce Da 5'9, et Eminem. La liste est haletante, et le morceau tout autant. Sur une instru sombre et percutante aux multiples parties, rythmée tantôt par ce clavier fou et obsédant, tantôt par des cordes, chaque invité vient poser dans son style propre. Long de 9 minutes, le titre recouvre en réalité une multitude de morceaux différents à l’atmosphère bien distincte. Le titre est en fait véritablement l’occasion de montrer l’étendue des talents de Detroit, et c’est réussi puisque chaque invité dispose de son moment de gloire, sans qu’aucune prestation ne prenne le dessus sur l’autre.

 

« Just tell a real nigga once, baby, never again (Swerve)  / And I'll put you and all my loved ones on like it's my only obligation »

 

C’est la fête au village avec Still I Rise, qui conclut l’album dans une emphase monstrueuse. L’instru est épique au possible, on se croirait presque à une ouverture de combat de gladiateur, avec ce cor pompeux qui se tait progressivement pour laisser place à cette voix puissante fermant le morceau. Aux côtés de Dom Kennedy, Big Sean quitte le temps d’un instant ses airs prétentieux pour tirer des leçons de vie. C’est là que l’on retrouve le mieux le rappeur grandit, en pleine conscience de l’essentiel. Still I Rise est une excellente conclusion au projet.

 

En conclusion, il faut admettre que chaque morceau de cette mixtape est une réussite dans son style. A quelques choses près, elle aurait tout à fait constituer un album à part entière en tant qu’elle dispose de tous les éléments pour : des interludes efficaces, une histoire à raconter, une ligne directrice distincte, et des morceaux suffisamment diversifiés. Néanmoins, en tant que premier projet solo depuis plusieurs années maintenant, on aurait sans doute apprécié entendre Big Sean un peu plus en solo - la mixtape étant presque une compilation made in Detroit.

Yassmine Haska