En l’an de grâce 487, Clovis, roi des Francs, campe dans
la ville de Soissons. Dans la tente royale, la favorite
Blondehilde file le rouet.
« Si batailler, c’est le métier journalier des
guerriers,
Nous, les amantes, on se lamente dans l’attente sous la
tente.
Et si le roi Clovis doit chevaucher son palefroi,
Dieu, dites moi quand, dans ce camp ça pourrait ficher le
camp. »
- Frida, une autre fois, tu secoueras les haricots secs
lorsque j aurai fini de chanter.
- Ja.
- Ah, Frida, je m’ennuie comme un pot d’hydromel
derrière un coffre. Quand je pense que ça fait douze
lunaisons que nous marinons dans la bouillasse devant cette
damnée ville de Soissons, j’en deviens folle !
[Trompettes] C’est Clovis ! Laisse moi, Frida.
- Hail, Clovis !
- Bonjour, Blondehilde, bonjour.
- Vous n’avez pas l’air de semer la rigolade, mon cher
Sicambre. Voyons, déharnachez-vous. Asseyez vous.
- Ouf.
- Et puis retirez cette couronne.
- Ah non, Blondehilde, tout ce que tu voudras, tout, mais
pas la couronne.
- Zut alors, si tu crois que c’est marrant d’être
embrassée par un bonhomme qui garde en toute occasion sa
couronne sur la tête.
- Blondehilde, ne bouscule pas la couronne ou je vais me
fâcher !
- Alors, laisse moi faire. Mets-la un peu en arrière. Comme
ça.
- Ah non, voyons.
- Si, ça te va mieux, tu sais, ça te fais plus jeune, je
te jure. Oh, si tu voulais, mon petit Cloclo joli, amour, si
tu voulais…
- Quoi ??
- Moi, à ta place, je donnerais Soissons pour rien.
- Pour des haricots ?
- Oui ! et je rejoindrais Lutèce, ta capitale. Ah, Lutèce
…
« Nous irions à Lutèce tous les deux /tous les deux/
Et mon cœur amoureux te verserait l’allégresse /renvoyez
l’allégresse/
À Lutè-è-èce. »
- Mais mon biberon d’amour, je te promets que c’est
impossible.
[Elle pleure.]
- Allons, allons, ça y est, tu n’es pas raisonnable.
« Tandis que je me débats avec les tracas de l`État,
Sur ton lit, toi tu lis les poèmes de Géraldy,
Blondehilde, quand je t’ai demandé d`être ma favorite,
j’ai été franc
Blondehilde, tu as vu que j’étais sur mes cartes de
visite le roi des Francs
Puisque tu as accepté, y’a pas à discuter, t’as tort,
t’as tort de rouspéter. »
- Tu m’avais dit comme ça qu’on vivrait à Lutèce…
- Est-ce ma faute si on ne parvient pas à mettre les
menottes sur le soldat qui a fauché le vase de Soissons ?
- Pourquoi as-tu fait serment de rester là tant qu’il ne
serait pas arrêté ?
- Parce que je croyais qu’on le trouverait tout de suite.
- Quand je pense que le jour où Saint Rémi a déposé sa
plainte, tu as dit : « vite et tout ». Et depuis, un an
passa ! Alors la rumeur publique accuse tes cousins, ton
neveu, et moi-même d’avoir tremper…
- Dans le vase ?
- Naturellement !
- Ah j’en suis vaseux avec ce vase. Tu vois bien, ma poule
d’Austrasie, que je ne veux pas quitter Soissons.
- Ou vas-tu ?
- Je vais passer mes troupes en revue.
- C’est une manie ! Enfin, si on te désignait le coupable
?
- Je jure de l’exécuter séance tenante et de partir
immédiatement pour Lutèce !
- C’est bien.
- A tout à l’heure.
- A tout à l’heure.
- Frida, Frida ! va me chercher le chef de la police.
- Ja.
- Mademoiselle m’a fait l’honneur de me faire demander ?
- Oui. Alors, monsieur le chef de la police, est-ce que vous
vous moquez du monde ?
- Mais …
- Laissez moi parler ! Comment, depuis un an que le fameux
soldat a barboté le vase de Soissons, et que publiquement
il l’a brisé d’un coup de francisque, que vous n’avez
pas pu mettre la main dessus !
- C’est-à-dire que ….
- Ça va ! Je sais, les témoignages contradictoires,
naturellement. D’aucuns l’ont vu blond, d’autres brun,
certains ont affirmé qu’il était petit et rondouillard
alors qu’il en ait pour l’avoir vu grand et mince ! Si
vous vous occupez de ce qu’on dit, je ne m’étonne plus
que nous en soyons où nous en sommes. Que le roi soit
bafoué, que je me ronge les ongles sur les bords de
l’Aisne, vous vous en balancez, comme on dit à Lutèce.
Et bien si dans une minute vous n’avez pas trouvé le
moyen d’indiquer au roi, qui passe sa petite revue
quotidienne dans le camp, d’indiquer, dis-je, le bonhomme
sur lequel doivent s’abattre les foudres de la justice, je
vous garantis que vous aurez affaire à moi !
- Mais enfin, comment voulez-vous que je trouve en une
minute le coupable que je cherche en vain depuis un an ?
- Qui vous parle de coupable ? Prenez n’importe qui, au
hasard ! Le vase de Soissons, je m’en bats l’œil. Ce
que je veux, c’est que le roi sorte de cette impasse
ridicule.
- Si c’est ça, j’ai compris…
- Tout arrive ! il vous reste 50 secondes. Allez, rompez !
- Frida, je crois que tu peux faire les malles.
- Ja.
- Demain au petit jour, que tout soit prêt à charger dans
les chars à bœufs. Et à toute vitesse, nous irons à
Lutèce tous les deux… [bruit de tumulte]
Qu’est-ce qu’il y a ? Mais, ma parole, ce sont les
guerriers qui acclament le roi ! Ils l’ont hissé sur un
bouclier !
- Mademoiselle, tout s’est passé comme vous le désiriez.
- Vous voyez que quand on veut … Mais voici le roi !
- Merci mes leudes, merci ! Merci !
- Et bien, fier Sicambre, êtes-vous satisfait ?
- Oui et non. J’ai un coup de bouclier qu’y m’est
rentré dans la fesse droite.
- Toute médaille a un envers.
- Moi aussi, et ça ne m’amuse pas qu’il soit abîmé.
Mais au fait, Monsieur le chef de la police, comment
avez-vous enfin trouvé le criminel du vase de Soissons ?
- Il y a longtemps que je le filais, Sire.
- C’est curieux, il me semblait plus petit, plus râblé.
- C’est possible.
- Comment ça ? Qu’il ait maigri, j’admets, mais
rapetissé ?
- Avec le progrès, Sire, on voit tellement de choses…
- Tout de même, quand je lui ai dit : Souviens toi du vase
de Soissons …
- Qu’est-ce qu’il a dit ?
- Rien. Il avait la tête fendue en deux.
- Alors tout va bien.
- Oui, tout va bien.
- Vos guerriers vous acclament !
- Je suis le Führer qui fait fureur !
[Rires]
- Le peuple va s’arracher les éditions spéciales que les
journaux ne vont pas manquer de faire paraître.
- Les affaires vont reprendre.
- C’est possible, mais que doit penser le vrai coupable ?
- Ça, il doit bien rigoler ! [Rires] Enfin, le principal,
c’est que cette affaire soit finie et que nous puissions
aller vivre à Lutèce tous les deux.
- J’ai compris. Décidément pour certaines choses, je
commence à croire que les femmes sont plus fortes que les
hommes.
- Et quand tu l’oublieras, mon chéri, je te glisserai
dans le tuyau de l’oreille :
« Souviens-toi, souviens-toi de la leçon, mon mignon,
Souviens-toi, souviens-toi du vase de Soissons,
Et si tu fais semblant de ne pas comprendre,
Je te répéterai encore beaucoup plus tendre
Souviens-toi, souviens-toi de la leçon, mon mignon,
Souviens-toi, souviens-toi du vase de Soissons !
Souviens-toi du vase de Soissons ! »
Paroles2Chansons dispose d’un accord de licence de paroles de chansons avec la Société des Editeurs et Auteurs de Musique (SEAM)