(Histoire de France)
La vie est sommeil dont nous tire
La mort, par les pieds, les cheveux
Exauçant mes timides voeux
Comme c’est gentil à vous, reine,
D’avoir voulu, vous, en personne,
M’entr’ouvrir du parc de Versailles
La porte, avec la clef des songes.
Pour me faire à nouveau plaisir
Roulez-vous sur votre gazon
Dont le peuple jaloux disait
Qu’en même temps que vos moutons
Le coiffeur royal le frisait !
Car des deux maris, le jaloux,
Que s’en aillent vos jeux, vos ris
Vers cette bergère : Versailles,
C’était non le roi, mais Paris.
Semblant dans le gazon chercher
De Gygès la bague perdue
Vous vous promeniez entre amies,
Respirant un peu, en cachette.
Un amant, il l’eût pardonné ;
Mais pareils jeux de pensionnaires
Ne les peut comprendre un mari.
Avouez, Marie-Antoinette,
(Et bien qu’en public je sois prêt
À soutenir tout le contraire),
Que ces prétextes de main-chaude,
Les parties de saute-mouton,
Étaient un peu moins innocentes
Que jeux d’agneaux venant de naître.
Un beau jour le mari jaloux,
Pour venir à bout de sa reine
Demande l’aide du docteur.
Elle se morfond et lamente
Dans l’humiliante prison,
Dans cette chemise de nuit
Juste laissant libre la tête.
Vous n’êtes au bout de vos peines,
Marie-Antoinette, sachez
Que ne vous seront inutiles
Aucun des jeux que vous apprîtes.
Puisqu’ils sont bel et bien partis
Les jours des rubans aux paniers,
Passez la tête à la lucarne
Où l’on voit le prince Charmant.
Et que nulle arrière-pensée
Ne gâche l’ultime partie
De saute-mouton, de main-chaude :
Bientôt votre main sera froide.
Des perles de votre collier
Gygès suivra le pointillé,
Car à ce mince col de cygne
La bague de Gygès suffit
Pour escamoter votre tête.
Du saute-mouton en public
Clandestines soeurs, vos amours,
En serait-ce le souvenir,
Ou le roulement des tambours
(Trapèze !) au moment du péril
Qui vous fait peur, ô débutante ?
Mais, tressé pour des bergeries
Moins sanglantes, de ce panier
Bien que de rubans défleuri
Vous rassure la vue. À tort.
Plus la peine de vous cacher
Parmi les arbres de Versailles,
Mon bel arbuste foudroyé,
Au bout du plaisir, qui, d’un jet
Peu féminin, jusques au ciel
Lancez oiseau et sève mièvres.
C’est le coup de foudre, dit-on.
Soyez plus farouche, ma reine,
Et pour lucidement goûter
La pomme d’amour que vous offre
La mort, oui le prince Charmant,
Refusez que l’on vous endorme.
Déjà la vie est long sommeil
Sous les pommiers au bois dormant,
Et ses songes font dire à l’homme
Qu’il ne dort pas. Nous crûmes vivre,
Éternité ! Heureusement
Que de toi la mort nous délivre.