Un vrai petit diable (dictée)
Le mois dernier, Irène atteignit l’âge de raison.
– Il faut travailler d’après nature, affirment les parents.
Irène voulut choisir elle-même le chapeau de paille destiné à la garder des insolations.
Seule en face du gros arbre, laid à faire peur, elle trouve plus amusant de dessiner de mémoire, au verso de son Billet d’Honneur, les clowns qu’elle vit jeudi dernier, en récompense d’une semaine d’application.
Mademoiselle Personne ne sera pas contente. Cette vieille voisine qui, à ses heures perdues, enseigne les arts d’agrément, ne sait quelle punition infliger à l’espiègle Irène. À sa place, nous lui ferions apprendre par cœur l’alphabet contenu dans vingt-cinq Cornets à Surprises. »
Un point, c’est tout.
Album
Apprendre n’est pas un pensum
Lectrice qui ne savez lire
Ayez grand soin de cet album
Né du plus funeste délire
Bateau
Bateau debout bateau hagard
La danseuse sans crier gare
Sans même appeler les pompiers
Mourut sur la pointe des pieds
Cocarde
Pour faire éclore une cocarde
Aux boutonnières de Juillet
Bara notre frère de lait
Il suffit que tu les regardes
Domino
Le domino, jeu des ménages
Embellit les soirs de campagne.
Du grand-père écoutons l’adage :
« Qui triche enfant finit au bagne »
Escarpin
Grand bal dans la forêt ce soir
Les dryades à chaque pin
Ont accroché deux escarpins
Que chaussent leurs cavaliers noirs
Filet à papillons
« Papillon, tu es inhumain !
Je te poursuis depuis hier »
Ainsi parlait une écolière
Que j’ai rencontrée en chemin
Grenadine
Amour ! moins bénigne des fièvres !
Rien que la regarder m’enivre
Grenadine couleur des lèvres
Qui de tous chagrins me délivrent
Hirondelle
Comme chacun sait l’hirondelle
Annonce la belle saison
Elle n’a pas toujours raison
Cependant nous croyons en elle
Initiales
Initiales enlacées
Sur le sable comme nous-mêmes
Nos amours seront effacées
Avant ce fugitif emblème
Journal
Las de savoir par cœur la terre
Un journal laissé sur la plage
Oiseau inquiet désaltère
Dans l’onde sa soif des voyages
Képi
La guerre fut un chapelier
Coiffant les Français d’un képi
La paix y broda des lauriers
Dès que le canon s’assoupit
Loup
Neige un carnaval insolent
Je vous reconnais joli masque
Ce loup fuyait sous la bourrasque
Des confettis roses et blancs
Mallarmé
Un éventail qui fut l’oiselle
Exquise des rudes étés
Effleure fraîchement de l’aile
L’oiseau peint sur la tasse à thé
Nacelle
Gambetta dans une nacelle
Disait au revoir à Paris
Et Paris pleurait comme celle
Qu’abandonne un époux chéri
Ombrelle
Facilement on se console
Des agaceries du soleil
L’ombrelle ou bien le parasol
Est la fleur qui nous émerveille
Paravent
Ô mon lys ma chaste Suzanne
Fleuris derrière un paravent
Cette pudeur me décevant
Tu rougis comme une pivoine
Quatrain
Ôte ton bandeau Cupidon
Et sollicite mon pardon
Victime de ta perfidie
Ce quatrain je te le dédie
Rose
Tu pourras embrasser les roses
Sans en abîmer la couleur
Car (embrasse-les si tu l’oses)
Zéphir a souffleté ces fleurs
Sachet
Jardinier chéri des verveines
Enferme leur parfum qui ment
Et change en sachet porte-veine
Notre insensible talisman
Tirelire
Enfant bientôt tu sauras lire
Nous te comblerons de cadeaux
Une pesante tirelire
Sera ton plus léger fardeau
Uniforme
Les arbres soldats du printemps
Ont revêtu leur uniforme
Et pour qu’aucun d’eux ne s’endorme
L’oiseau veille, armé de ses chants
Vitre
Voici la mauvaise saison
Le froid qui est un assassin
S’amuse à faire des dessins
Sur les vitres de sa prison
Xylolâtrie
Ne connaissant pas l’hiver, tu
Peux, bon nègre, être xylolâtre
Mais dans ma maison, tes statues
Sans regret je les donne à l’âtre
Yole
Chavirez chère demoiselle
Qui ramâtes sans gloriole
Un refrain se mouille les ailes
Dernière chanson de Mayol
Zéro
Lectrice adorable bourreau
Plus que jamais soyez sévère
Quand vous découvrirez ces vers
À peine dignes d’un zéro