Matière de Bretagne
Paul Celan

Poème Matière de Bretagne

Lumière de genêt, jaune, les pentes
suppurent vers le ciel, l’épine
courtise la plaie, cela
sonne là-dedans, c’est le soir, le néant
roule ses mers à la prière,
la voile de sang fait route vers toi.

Sec, envasé,
le lit derrière toi, enjonque
son heure, en haut,
près de l’étoile, les ruisselets
laiteux babillent dans la boue, datte de pierre
en contrebas, buissonnante, bée dans le bleu,
un arbrisseau d’éphémère, superbe,
salue ta mémoire.

(Me connaissiez-vous,
mains ? J’allai
le chemin fourchu que vous marquiez, ma
bouche crachait ses galets, j’allai,
mon temps, surplomb neigeux en marche,
jetait son ombre – me connaissez-vous ?)

Mains, la plaie
courtisée par l’épine, cela sonne,
mains, le néant, ses mers,
mains, dans la lumière de genêt, la
voile de sang
fait route vers toi.