Poème L'Amarante


J'ai vu ses beaux cheveux blonds, charme des regards,
Sous l'ivoire d'un peigne alentour d'elle épars,
Représenter au vrai le Pactole en sa source,
Qui d'un haut marbre blanc faisant naître sa course,
Tombe à gros bouillons d'or, et loin de soi s'enfuit,
Excepté qu'en leur chute ils ne font point de bruit.
C'est ainsi qu'au matin l'Aurore échevelée
Vient annoncer le jour sur la voûte étoilée ;
C'est ainsi que Diane autrefois apparut
Aux yeux de l'indiscret qui son ire encourut,
Quand, surprise dans l'eau, sa main aussitôt prête
De cacher son beau corps avec sa propre tête
Lui construisit en hâte un voile flamboyant
Des vifs et longs rayons de son poil ondoyant,
Et voulut que son soin obtïnt le privilège
De pouvoir par du feu conserver de la neige.

Je l'ai vue en maint lieu pour le bal ordonné,
De cristaux suspendus richement couronné,
Ou plutôt de glaçons d'où s'exhalaient des flammes,
Gagner d'un seul regard les plus superbes âmes,
Ternir les diamants que le luxe y portait,
Éblouir les flambeaux dont la salle éclatait,
Et former de ses pieds de si nombreux mystères,
De si beaux entrelacs, de si doux caractères,
Tracés avec tant d'art pour enchanter les dieux
Et pour tirer à soi les esprits par les yeux,
Que les chiffres sacrés de l'obscure magie
Pour forcer les démons ont bien moins d'énergie.

J'ai vu les beaux trésors de ses deux monts de lait
S'enfler aimablement sous un jaloux collet,
Qui fâché que leur teint rende sa blancheur noire
Tâche au moins d'en couvrir la moitié de sa gloire.
Mais pour être trop fin il n'en sait rien cacher,
Il trahit ce qu'il baise, et ne peut empêcher
Qu'au travers des devants dont l'oeil perce l'obstacle
L'on ne jouisse à plein d'un si rare spectacle.