I
Enfin, voici la pluie et les brumes d’automne !
Le temps est presque froid. Le soleil radieux
Depuis hier au soir nous a fait ses adieux ;
Le ciel, d’un bout à l’autre, est d’un gris monotone.
Sous les arbres feuillus l’ombre se pelotonne,
Bleue et tranquille ; un jour aveuglant, odieux
Cesse de l’accabler de traits insidieux ;
Dans l’accord des couleurs pas une ne détonne.
Le regard ébloui de trop vives clartés,
Brûlé par la splendeur des rayonnants étés,
Se détend, se repose et contemple, paisible,
Les arbres estompés, les contours amollis,
Le vallon qui se creuse en mystérieux plis,
Et l’horizon rendu par la pluie invisible.
II
Quand on a l’âme sombre et le coeur angoissé,
Ces aspects adoucis, ces tons mélancoliques,
Que voilent à demi des hachures obliques
(Impalpable réseau d’un faible vent poussé),
Cette nature en deuil, ce feuillage froissé,
Ces teintes d’un vert glauque aux reflets métalliques,
Cette pluie au moment des ardeurs idylliques,
Vous conviennent bien mieux que le beau temps passé.
L’été, c’est le bonheur, la joie et la lumière,
L’épanouissement sans crainte de l’esprit
A qui tout ici-bas et dans le ciel sourit.
L’été, c’est la jeunesse en sa verdeur première,
C’est la santé robuste et l’amour insensé…
Et moi, j’ai l’âme sombre et le coeur angoissé.