Lendemain
Louisa Siefert

Poème Lendemain

Hé bien ! j’ai triomphé, l’on m’a fort applaudie,
J’ai su rire, chanter, jouer la comédie,
Être jeune une fois et répondre à chacun,
Sur son salut banal, un autre lieu commun.
L’éclair à la prunelle et le rose à la joue,
Hé bien ! c’est vrai, j’ai fait tout cela, je l’avoue.
Et cependant, malgré tant de sérénité,
De mouvement, de bruit, de plaisir, de gaîté,
Malgré tous les amis dont j’étais entourée,
Comme le flux montant de la grosse marée,
J’écoutais, je sentais, à ce même moment,
Aux portes de mon coeur gronder incessamment
Les flots graves et sourds de mes larmes anciennes.
Un seul s’en est douté, quand, mes mains dans les siennes,
Il a jeté sur moi son beau regard profond,
Et, d’un coup d’oeil rapide, a plongé jusqu’au fond.
Pour tous les autres, non ! de l’angoisse soufferte
Ils n’ont rien deviné. Moi, toujours vive, alerte,
J’allais et je venais de plus en plus gaîment.
Puis, lorsqu’ils sont partis, tous m’ont fait compliment
Sur l’exquis naturel et la verve étourdie
Avec lesquels j’avais joué la comédie.

Janvier 18…