Si je veux abuser mon coeur
D’une autre image que la sienne,
Peu à peu, tristement moqueur,
Il retrace l’image ancienne.
C’est un pêle-mêle inouï,
Où tous les traits viennent se fondre,
El le fantôme évanoui
Ressuscite pour me répondre.
Je vois ses yeux bruns d’autrefois,
Ses cheveux blonds, son cher sourire ;
Je frémis encore à sa voix
Comme au vent frémit une lyre.
Tout ce qui m’enchantait jadis
Reprend de nouveau forme et vie,
Et, devant moi, le paradis
S’ouvre, qui m’avait tant ravie !
Hélas ! hélas ! il est fermé,
Ainsi que j’en eus le présage,
Et celui que j’ai tant aimé,
Lui-même a changé de visage.
Moi seule puis me souvenir
De tout ce qui m’avait séduite,
Moi seule encor puis revenir
A la félicité détruite.
Car celui que j’aimais est mort
- O la triste et bizarre épreuve !
Je puis le pleurer sans remord,
De son vivant je suis sa veuve.
Juillet 18…