C'était au lieu d'un chêne une forêt nouvelle.
VICTOR DE LAPRADE
Le chêne dans sa chute écrase le roseau,
Le torrent dans sa course entraîne l'herbe folle ;
Le passé prend la vie, et le vent la parole,
La mort prend tout : l'espoir et le nid et l'oiseau.
L'astre s'éteint, la voix expire sur les lèvres,
Quelqu'un ou quelque chose à tout instant s'en va.
Ce qui brûlait le coeur, ce que l'âme rêva,
Tout s'efface : les pleurs, les sourires, les fièvres.
Et cependant l'amour triomphe de l'oubli ;
La matière que rien ne détruit se transforme ;
Le gland semé d'hier devient le chêne énorme,
Un monde nouveau sort d'un monde enseveli.
Comme l'arbre, renaît le passe feuille à feuille,
Comme l'oiseau, le coeur retrouve sa chanson ;
L'âme a son rêve encore et le champ sa moisson,
Car ce que l'homme perd, c'est Dieu qui le recueille.
Champollon, septembre 18