Berceuse
Louisa Siefert

Poème Berceuse

Penchée, elle écoutait dormir l'enfant vermeil.
Victor Hugo.

C'est le matin, l'enfant, la paupière mi-close,
Sur le sein maternel paisiblement repose.
- Chut ! disait-elle avec un doux air inquiet,
Tout à l'heure il rêvait sans doute, il souriat
Même en dormant, & moi, quoique ce soit étrange
Et bien fou, n'est-ce pas ? j'imagine qu'un ange
A notre chérubin vient encore parler
Lorsque nous le voyons rire ou se désoler,
Sans que nous comprenions ses larmes ou sa joie.
L'ange, ce grand mystère où la raison se noie,
Cette voix qui nous parle au nom du Seigneur Dieu,
La conscience enfin ! lui conte peu à peu
Tout ce qu'il faut, hélas ! qu'il sache ou qu'il devine
Pour vivre. La jeune âme innocente & divine
Au mal se plaint & crie, au bien s'épanouit.
Quand nous intervenons l'ange s'évanouit,
L'enfant pleure… Oh ! je vois à ton méchant sourire
Que tu doutes ; eh bien, les sages ont beau dire
Aux mère qu'un enfant n'est qu'un homme comme eux,
Nous autres qui plongeons dans l'avenir brumeux
Un regard plein d'effroi, d'espérance, de rêve,
Nous, qui tremblons toujours que tout nous les enlève,
Nous, vois-tu, nous sentons l'invisible réseau,
Le lien idéal qui rattache un berceau
Au paradis. Le père, à toutes ces chimères,
Répondait seulement : - O les mères ! les mères !
Et, se penchant vers elle, ajoutait : - Bah ! dis-moi
Tout ce que tu voudras ; mais l'ange ici, c'est toi !