Poème Danaé

Imitation de Simonide

Sic te diva potens cypri,
Sic fratres Helenoe lucida sidera,
Ventorumque regat pater,
Obstrictis aliis, praeter Yapyga,
Navis
Et serves animas dimidium meoe,
HORACE.

L’aquilon frémissait ; une horrible tempête
Des vagues dans le Ciel semblait cacher le faîte.
Au milieu des débris des vaisseaux fracassés,
La mer portait alors sur ses flancs courroucée,
Une barque, ou plutôt une prison flottante,
Car partout une main cruellement prudente,
En défendit l’accès à la clarté du jour.
Ainsi se punissait un crime de l’amour,
Si l’on peut appeler ses faiblesses un crime.
Des baisers de l’Olympe innocente victime,
La jeune Danaé vers son fils étendit
Une douce caresse, et doucement lui dit :
Mon jeune compagnon, ma peine est bien amère !
Tu dors tranquillement près du lait de ta mère ;
Tu respires, et moi, sous l’air qui s’épaissit,
Mon souffle est plus pénible, et ma voix s’obscurcit.
La nuit doit être proche, et les astres tes frères,
Sans caresser ton front de leurs flammes légères,
Sous l’oeil de Jupiter guident le nautonnier ;
Et toi que de ses fils on nomme le dernier,
Il t’oublie, et le Ciel n’aura pas, une étoile
Qui puisse nous guider. Oh, dors ! et sous mon voile
Abrite ton sommeil sans t’occuper des flots
Qui passent sur ton front sans troubler ton repos
Et sans mouiller encor ta belle chevelure.
Que le sommeil aussi, suspendant ma torture,
Ne me fait-il connaître un instant son pouvoir,
Car il me faut un songe, hélas ! pour te revoir.
Oh, que j’ai peur, mon fils, de l’onde et de l’orage !
Si tu savais des mers quelle est souvent la rage,
Oui, ta petite oreille entendrait mes sanglots.
Mais je le veux, enfant, que tes yeux toujours clos
Ne se réveillent point au cri de la tempête.
Dormez, vagues, dormez au-dessus de sa tête ;
Dormez, puisque les Dieux sont pour nous sans appui,
Ou faites, si je meurs, que je meure avant lui.

Paris, 1816.