Nous avons été des gens sages
Cette nuit, je ne sais pourquoi.
Or, ce matin, je sens en moi
Des éternités de nuages.
Toi-même sur ton front vermeil
Tu gardes des reflets nocturnes,
Et tes yeux sont comme des urnes
Où fume un restant de sommeil.
Nous avons trop dormi, ma chère.
Notre vorace amour se plaint
De n'avoir pas le ventre plein,
Lui qui fait toujours bonne chère.
Allons, mignonne, allons, debout !
Chassez-moi nos pensers funèbres.
J'ai nourri mes yeux de ténèbres,
J'ai fait des rêves de hibou.
Mais en vous voyant fraîche et rose,
J'en fais qui sont couleur de jour.
J'entends la voix de notre amour
Qui pour fleurir veut qu'on l'arrose.
C'étaient nos voeux inapaisés
Qui nous rendaient mélancoliques.
Donnons à nos coeurs faméliques
Un large repas de baisers.
C'est le remède, c'est la vie !
Tu m'enlaces ; moi, je t'étreins ;
Et mangeant le feu de nos reins,
Se tait notre bête assouvie.
Les désespoirs les plus ardents,
Les tristesses les plus farouches,
Quand nous unissons nos deux bourbes
Sont égorgés entre nos dents.