L’architecte du monde ordonna qu’à leur tour
Le jour suivist la nuict, la nuict suivist le jour.
La nuict peut temperer du jour la secheresse,
Humecte nostre ciel et nos guerets engresse ;
La nuict est celle-là qui de ses ailes sombres
Sur le monde muet fait avecques les ombres
Desgouter le silence, et couler dans les os
Des recreus animaux un sommeilleux repos.
Ô douce Nuict, sans toy, sans toy l’humaine vie
Ne seroit qu’un enfer, où le chagrin, l’envie,
La peine, l’avarice et cent façons de morts
Sans fin bourrelleroyent et nos murs et nos corps.
Ô Nuict, tu vas ostant le masque et la faintise
Dont sur l’humain théatre en vain on se desguise,
Tandis que le jour luit : ô Nuict alme, par toy
Sont faits du tout esgaux le bouvier et le Roy,
Le pauvre et l’opulent, le Grec et le Barbare,
Le juge et l’accusé, le sçavant et l’ignare,
Le maistre et le valet, le difforme et le beau :
Car, Nuict, tu couvres tout de ton obscur manteau