A Georges Pioch
Souvenirs, ô souvenirs
Le présent pèse sur vous
Comme l'eau sur des jardins
Submergés depuis trois ans !
La guerre sur vous s'augmente
Et ajoute à votre foule
D'autres souvenirs noyés.
Je voudrais m'en aller seul
Sur un haut plateau ;
Je ne verrais que le ciel,
Le ciel de toujours
Et les tribus d'herbes frêles
Qui tremblent et rêvent.
J'établirais mon abri
Dans les cailloux millénaires
Fidèles du vieux soleil.
C'est là qu'après trois années
Enlisées dans les désastres,
Je retrouverais
Ce silence où les pensées
Font leur bruit violent.
O souvenirs de la guerre,
C'est là que je connaîtrais
Vraiment vos voix redoutables;
Et c'est là qu'enfin mon coeur
Pourrait délivrer
Sa colère et sa douleur.
Sa honte et ses larmes.