La guérite, lourd cercueil
Ouvert debout, à la pluie ;
Le portillon de la grille
Qu’on ne franchit pas sans frémir,
Qu’il vous livre ou qu’il vous délivre ;
Le poste de police et son bat-flanc :
Sommeil de forçats, traqué par la lampe ;
Tourment du concierge à cartouchières;
Bêtise et néant des consignes.
Ah ! rien n’est changé depuis mon « service » ;
C’est toujours la dure écurie à hommes ;
C’est toujours ton règne ô coaltar funèbre,
Dans les chambrées comme aux latrines.
Horreur ! Les maîtres de céans
Ce sont toujours les capitaines de ton temps :
Ces deux qu’on nommait Bostock et Ravachol.
Tels qu’autrefois pendant l’exercice,
Au milieu de la cour je les retrouve
Piaffant par jeu, changeant de cambrure,
Posant pour la botte, posant pour le poil
Et pour le poitrail si plein de sa croix :
La croix des quinze ans de service et de manille.
Nation armée ! vois-les qui te regardent
Entrer chez eux comme au pénitencier.
Va, ne crains pas qu’ils t’accompagnent
Demain, le long des bois hantés
Où les balles coupent les branches.
Ils te garderont peu de jours :
Le temps de te rendre étouffants
Les habits qu’ils vont te remettre ;
Le temps que s’humilie et tremble
Le paysan qui les nourrit ;
Le temps que leur bêtise offense
Plus d’un homme qui va mourir.
Ils te conduiront à la gare
Et rentreront dans leur caserne,
Pour que la Caserne demeure.
Rapporte-leur, quand tu reviendras,
O nation armée, le pompon de gloire
Le nouveau pompon dont ils seront gardiens
Et que seuls ils sauront dignement arborer