C'était l'heure où l'oiseau, sous les vertes feuillées,
Repose, où tout s'endort, les hommes et les Dieux.
Du tranquille Sommeil les ailes déployées
Pâlissaient le ciel radieux.
Sur les algues du bord, liée au câble rude,
Argô ne lavait plus sa proue aux flots amers,
Et les guerriers épars, rompus de lassitude,
Songeaient, sur le sable des mers.
Non loin, au pied du mont où croît le pin sonore,
Au creux de la vallée inconnue aux mortels,
Jeunes Reines des eaux que Kyanée honore,
Poursuivant leurs jeux immortels,
Molis et Nikhéa, les belles Hydriades,
Dans la source natale aux reflets de saphir,
Folâtraient au doux bruit des prochaines cascades,
Loin de Borée et de Zéphyr.
L'eau faisait ruisseler sur leurs blanches épaules
Le trésor abondant de leurs cheveux dorés,
Comme, au déclin du jour, le feuillage des saules
S'épanche en rameaux éplorés.
Parfois, dans les roseaux, jeunes enchanteresses,
Sous l'avide regard des amoureux Sylvains,
De nacre et de corail enchâssés dans leurs tresses
Elles ornaient leurs fronts divins.
Tantôt, se défiant, et d'un essor rapide
Troublant le flot marbré d'une écume d'argent,
Elles ridaient l'azur de leur palais limpide
De leur corps souple et diligent.
Sous l'onde étincelante on sentait leur coeur battre,
De leurs yeux jaillissait une humide clarté,
Le plaisir rougissait leur jeune sein d'albâtre
Et caressait leur nudité.
Mais voici, dans la brume errante de la plaine,
Beau comme Endymion, l'urne d'argile en main,
Qu'Hylas aux blonds cheveux ceints d'un bandeau de laine
Parait au détour du chemin.
Nikhéa l'aperçoit : – Ô ma soeur, vois, dit-elle,
De son urne chargé, ce bel adolescent ;
N’est-ce point, revêtu d’une grâce immortelle,
De l’Olympe un Dieu qui descend ? [...]