Ils vous diront que vostre doulx langaige
Les cueurs humains aliene et engaige,
Et que l’accueil de vos doulces manières
Peult appaiser Mars entre ses banières.
Si vous touchez espinettes ou luz ,
Vous appaisez les sujets d’Éolus ;
Et si l’aller par les champs vous délecte,
A chascun pas croist une violette.
CLÉMENT MAROT.
L’heure a sonné, c’est dans la sombre nuit
Que s’accomplit la tâche maternelle ;
Sous les rideaux de la mère nouvelle
L’ombre a guidé le repos qui la suit.
Laissant mourir ses clameurs étouffées ,
L’enfant aussi fermait des yeux lassés ;
Près du berceau, les bras entrelacés,
Dansait alors le choeur léger des fées.
Elles formaient des chants mélodieux,
Aériens, inconnus au vulgaire,
Mais dont parfois la harpe du trouvère
A recueilli les sons mystérieux.
De leurs accens trois fois les airs frémissent ,
Le sol trois fois sous leurs pas mesurés
A tressailli Les mains se désunissent,
Et par trois fois ces mots sont murmurés :
Douez l’enfant. L’une, vive et folâtre,
Touche aussitôt ses petits pieds d’albâtre ;
Deux de ses soeurs s’avancent à la fois,
Et de l’enfant pressent les faibles doigts ;
L’autre effleurait ses lèvres embaumées ;
Une autre encor ses paupières fermées ;
Et la dernière avec un ris vainqueur,
Posa, joyeuse, une main sur son coeur.
Le charme est prêt, la mystique formule
A mots pressés de rangs en rangs circule ;
La harpe vibre, et ses sons fugitifs
Ont éveillé les destins attentifs.
CONJURATION.
L’éclat d’un léger météore
A glissé sur l’azur des cieux ;
Le chant du coq n’a point encore
Troublé l’écho silencieux.
Conjurons les nombres magiques
Que la voix des sorts prophétiques
Va désunir ou marier ;
Conjurons l’ombre et le mystère,
Le feu, l’onde, l’air et la terre,
Et le rameau du coudrier.
Reçois nos dons, jeune mortelle !
Au doux appel des instrument,
Tu verras la grâce fidèle
S’enchaîner à tes mouvemens.
D’admirateurs environnée,
Quelque jour leur foule étonnée,
Suivant des yeux tes pieds légers,
Croira voir nos danses rapides,
Qui laissent sur les prés humides
Une empreinte, effroi des berger.
Reçois nos dons ! Par la lumière,
Des sept couleurs brillant faisceau,
Dans leur parure printanière
Les fleurs naîtront sous ton pinceau.
Reçois un don plus doux encore,
Ravis à la corde sonore
Des accens de gloire et d’amours,
Et rends à ta noble patrie
Les jours de la chevalerie,
Et les chants de se troubadours.
Reçois nos dons ! Que sur ta bouche
Règnent les séduisans discours,
Le mot qui plaît, l’accueil qui touche,
Et l’adieu qu’on retient toujours ;
Dans tes yeux, ces regards de flamme
Où l’âme se révèle à l’âme ;
Dans ton coeur enfin l’amitié,
Le don d’aimer pour être aimée ;
L’indulgence au soupçon fermée,
Et les trésors de la pitié.
Mais notre jeune souveraine,
Qui seule se taisait encor,
S’écrie : Un jour tu seras reine,
J’en atteste mon sceptre d’or,
Ton front, digne du rang suprême,
Embellira ce diadème,
Conquête et présent du guerrier :
Nous le jurons par le mystère,
Le feu, l’onde, l’air et la terre,
Et le rameau du coudrier.
Quoi ! tous les dons ? tous ! imprudente audace !
Mais vainement une sourde menace
Leur présageait le courroux du destin,
Et chaque fée, en admirant sa grâce,
Laisse un baiser sur le front enfantin.
Des harpes d’or la, voix éolienne,
Mourut alors comme un souffle lointain,
Et par degrés la troupe aérienne
S’évanouit aux lueurs du matin.