Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et les pieds de gazons ;
C’est là qu’il faut s’asseoir
Alfred de VIGNY.
Connaissez-vous ces monts dont la tête immobile
Oppose son silence au bruit des flots mouvans ?
Au sein de leurs rochers est un pieux asile
Cher aux êtres souffrans.
C’est là que chaque jour de fervens solitaires
A la Reine du ciel répètent dans leurs voeux :
Espoir des affligés, recours dans nos misères,
Sauvez les malheureux !
Par le sentier rapide, une jeune inconnue
Jusqu’à ce toit sacré parvint avec effort.
Là, ses regards erraient sur la vaste étendue
Dans un muet transport.
Elle considérait la roche menaçante,
Les ruisseaux fugitifs, l’immensité des mers,
Les gazons, la chapelle ; et sa voix gémissante
S’exhalait dans les airs.
Le souffle du midi, le bruit lointain des ondes ,
Se mêlaient tour à tour à ses tristes accens ;
Et le pasteur, guidant ses chèvres vagabondes,
A retenu ces chants :
Le bonheur fuit les pas de l’humble voyageuse ;
L’image de mon sort me suit dans ces déserts.
Mes jours sont agités, ma vie est orageuse,
Comme ces flots amers !
Sur mes traits abattus, où la douleur est peinte,
De l’âge qui me luit on cherche en vain la fleur ;
Et mon front jeune encor porte déjà l’empreinte
Que laisse un long malheur !
Vous, arbres, dont l’abri me couvre et m’environne,
Vous semblez partager le deuil de mes beaux ans,
Et l’automne à vos pieds effeuille la couronne,
Don fleuri du printemps.
Vous pleurerez bientôt votre beauté ravie.
De son souffle glacé l’hiver va la flétrir :
Comme le noir chagrin qui dépouille la vie
Et ne fait pas mourir.
Les pieux habitans de ce lieu solitaire,
Loin d’un monde trompeur, ignorent tous ses maux ;
Et, simples voyageurs, ils ne font sur la terre
Qu’attendre leurs tombeaux.
Laissant tous les mortels, heureux ou misérables,
S’occuper vainement d’un douteux avenir,
Ils savent que leurs jours sont désormais semblables
Au jour qui va finir.
Ainsi, durant la nuit, quand l’élément perfide
Gronde au pied des rochers qui bornent ce vallon,
Ils s’endorment au bruit de ce ruisseau limpide,
Errant sur le gazon.
Et moi, ne puis-je aussi trouver un lieu propice,
Où les peines du coeur s’endorment à jamais ?
A défaut du bonheur, Vierge consolatrice,
Fais-moi trouver la paix !
Permets, Reine des cieux, qu’après de longs orages,
Je puisse enfin goûter quelques jours de repos,
beaux comme tes vallons, doux comme tes ombrages,
Et purs comme tes eaux !