Dans la brise ailée et sonore
S’éveillent les dieux bocagers ;
Et le chalumeau des bergers
Brode de ses accords légers
Le voile rose de l’aurore.
Tircis aux pieds d’Églé dit son âme amoureuse.
L’air est bleu ; la rosée étincelle aux buissons ;
Le ruisseau d’argent clair brille dans les cressons,
Et le chien noir a l’oeil sur la brebis peureuse.
Sur ses pipeaux Tircis à la Journée Heureuse
Prélude ; mais soudain, jalousant ses chansons,
Églé veut à son tour, par d’aimables leçons,
D’une haleine qui chante emplir la flûte creuse.
Inhabile, elle souffle, et, penché sur son cou,
Tircis lève, descend ses doigts sur chaque trou,
Et les maintient crispés sur des accords moroses.
Églé s’irrite ; alors, Tircis pour l’apaiser
Sur sa bouche vermeille appuie un long baiser ;
Et la flûte à leurs pieds roule parmi les roses
Dans la lumière qui recule
S’endorment les dieux bocagers ;
Et le chalumeau des bergers
Suspend ses accords prolongés
Au voile bleu du crépuscule.