La naissance de la Drill à Chicago
These bitches love Sosa
O End or no end
Fuckin' with them O boys
You gon' get fucked over
Raris and Rovers
These hoes love Chief Sosa
Octobre 2012, la planète entière danse sur le tube de Chief, 8 ans plus tard, c’est plus de 177 millions de personnes qui ont visionné le clip. Un chiffre qui peut paraître faible face à des hits comme God’s Plan de Drake aujourd’hui. Mais premièrement, le rap et le rappeur de Chicago n’ont pas l’aura du Canadien. Deuxièmement, le morceau n’est pas destiné à être un single mondial. La drill de Chicago est reconnaissable pour sa brutalité, sa proximité avec les gangs et ses phrases crues. Et pour conclure, Chief Keef ne le sait pas encore, mais il va révolutionner le monde de la musique. Une sorte d’effet papillon qui se transforme en tornade aujourd’hui.
Pour comprendre le mouvement, il faut faire un peu de géopolitique. Le Chicago des années 2011/2012 est divisé. Les quartiers sud de la ville sont quasiment abandonnés. Ils canalisent la haine d’une partie de la population ghéttoïsée, regroupée dans des quartiers populaires. C’est dans cette ambiance morbide que va émerger un mouvement musical. Le beatmaker Young Chop va concentrer la noirceur de Chicago dans des prods. Voici le premier ingrédient de la drill. Les beatmakers vont proposer des prods avec des basses à la limite de la saturation ayant un effet « Serpent à sonnette ». Il n’en fallait pas plus pour voir fleurir un regroupement d’artiste. Le père Chief Keef voit des talentueux enfants réussir. On pense notamment à Lil Durk ou encore G Herbo. Nous sommes alors en 2012 la drill est née. Directement, le succès est démentiel. De quoi donner des idées à leurs frères anglais.
L’Angleterre, le nouvel El Dorado.
Depuis la Première Guerre mondiale, les États-Unis influencent le monde. Le soft power américain n’est plus à prouver et son « décalage horaire » non plus. Si la Drill explose aux USA, il faudra un peu de temps aux artistes européens pour la digérer et ne pas sortir de pâle copies. L’Angleterre et notamment le sud de Londres vont se sentir touché par la musique de Chief Keef. Eux aussi excluent et regroupés dans des banlieues avec le même sentiment d’être délestés. La Drill UK reprend les mêmes codes que son grand frère. La seule différence ? L’univers n’est pas le même. On remplace les guns et les locks par des couteaux, de l’acide et surtout un style vestimentaire unique. Les drillers UK se cachent le visage. Ils portent des cagoules, des masques ou encore des accessoires plus fantaisistes tel que des masques de super-héros.
Vous vous posez sûrement la question de pourquoi ? Pourquoi mettre un masque ou une cagoule ? La première raison est juridique. En effet, beaucoup de rappeurs londoniens étaient recherchés pour des crimes réalisés dans leurs gangs. La répression du gouvernement britannique sur la drill était et est féroce. Entre annulations de concert et mise en prisons, les rappeurs ont dû se « protéger ». Puis le phénomène est devenu viral et le fait de ce cagoulé est devenue tendance. Une image de marque qui fait vendre. En réalité, la drill UK dépasse la musique. Des mots, des phases entières sont modifié et réinterpréter pour éviter les ennuis judiciaires. Le meilleur exemple de la Drill UK est sans nul doute le groupe 67. Il est composé de LD, Monkey, Dimzy, Liquez et bien d’autres... L’influence de la Drill UK est d’abord minime. Londres influence certes d’autre villes comme Manchester et le rappeur 40Samuraï, mais pas encore le monde. Dernier point sur la Drill UK, c’est quel à petit à petit évoluer. Elle a récupéré des influences Caraïbenienes dû au fort exode des Jamaïcains dans la capitale. La Drill est devenue plus lisse dans ses productions et plus écoutables par un public large. Bien sûr, le drill reste de la drill et les productions restent sombre comme il faut.
Ironiquement, le rappeur qui va faire exploser la Drill UK se nomme Pop Smoke. Il n’est ni anglais ni masqué. Mais son charisme, ses flows et sa prestance va créer un raz-de-marée inimaginable. Le morceau Dior comptabilise plus de 150 millions de vues uniquement sur YouTube. C’est surtout son influence qui est à souligner. Tout le monde veut faire son morceau Drill UK et notamment en France.
Concrètement la Drill c’est quoi ? Vous prenez une prod agressive avec des grosses basses ayant un effet à la « Serpent à sonnette » pour donner de l’énergie mais aussi un coté effrayant. Vous prenez un rappeur qui a du charisme, vous lui donnez une cagoule, une arme et il parlera de son gang, du fait qu’il a et veut tuer des gens. Tout ca mêler d’exemple très précis, la drill est censé être une représentation de la réalité de la rue.
La Drill Made In France
En France, le terme Drill est récent. On parlait plus de Trap. Seuls les experts du genre faisaient la différenciation. Le mouvement est popularisé par des artistes tel que Kaaris avec le classique Or Noir ou encore les Gradur/Niska. Lacrim a même invité Lil Durk sur son projet Corleone en 2014. Mais c’est que depuis 2019 et surtout en 2020 que le thème explose. De plus en plus d’artiste « spécialisés » en Drill apparaissent. Plus intéressant que ça, les artistes en questions affiches des statistiques intéressantes. Par exemple, Gazo et Freeze Corleone réussissent « l’exploit » de cumuler 6 millions de vue et d’avoir des diffusions radios.
Sur le dernier album de Freeze, le rappeur Ashe 22 a fait le buzz avec sa punchline :
Drill, tous les rappeurs veulent s'y mettre.
La phrase est juste et le public français fait face à une surconsommation de Drill. Pourtant ça reste un genre musical et personne n’est obligé de faire partie d’un Gang pour être légitime. Si on se questionne sur la légitimité de faire du rap en prenant en compte sa définition première, votre playlist risque d’être fortement vide. La drill n’est pas faite pour tout le monde. Oui, car tout le monde n’est pas performant dans ce genre. Mais tout le monde peut en faire. La preuve ? Hamza puise certaines de ses inspirations dans le RnB. Pourtant, c’est un des artistes français qui performe le plus dans ce genre. Il a réussi à prendre un mouvement et se le réapproprier à sa sauce comme dans le morceau Nobu.
Finalement, la Drill est un mouvement musical comme les autres. Il a des codes et des règles, mais il évolue. La musique n’est pas une science exacte et un style n’est pas grave dans la roche. Dans les prochains mois la drill risque de s’essouffler laissant place à un nouveau moment. Le cycle de rap est ainsi fait. Profitez des bons morceaux et laissez de côté les parodies. En Europe, on peut voir des Albanais, des Allemands s’y essayer. Encore embryonnaire, ce mélange de genre risque d’être détonant et pourquoi pas faire naître un autre style.
Voici une petite liste des « Drilleurs » à suivre avec 1 morceau :
Chieek Keef – Faneto
Pop Smoke – Christopher Walking
Ashe 22 – Sunset
67 – Let Lurk
Hamza – Nobu
Gazo Ft Freeze Corleone - Drill FR 4