Bob Marley, le meilleur de tous les temps ?

Publié le: 11/05/2021 22:34
Le jamaïcain a popularisé le reggae sur la scène mondiale. Connu pour son engagement pour un monde plus juste, prônant le changement social, l'amour et la paix. Des générations entières ont été influencées par son style unique et son message fort.

Né le 6 février 1945, Robert Nesta Marley, plus connu sous le nom de Bob Marley, est né dans le quartier de Nine Mile en Jamaïque d'un papa capitaine dans la marine Royale et d’une maman chanteuse.

Des figures paternelles qui influencerons ce que deviendra Bob Marley, un mélomane porteur d’un message de paix, rejetant ainsi la carrière professionnelle et les valeurs de son papa qu’il n’a pas beaucoup fréquenté. Ce dernier étant décédé lorsque le jeune Bob Marley avait seulement 10 ans.

Bob Marley est allé à l'école primaire et au collège Stepney de Saint Ann. L'école a d’ailleurs ensuite été renommée en l'honneur de l’artiste légendaire. Première preuve que son empreinte a marqué le monde.

 

Marley a grandi avec son ami d'enfance Neville Livingston, qui est devenu populaire sous le nom de Bunny Wailer.

Le duo commence à jouer de la musique à l'école, dans la rue où ils s'installent, se trouve un groupe de musique connu sous le nom de Higgs and Wilson. Marley y prend leçons de chant avec Higgs, qui lui donne aussi des conseils pour jouer de la guitare.

 

En 1963, alors que Marley avait 18 ans, il forme avec ses amis Bunny Wailer, Junior Braithwaite, Peter Tosh, Beverley Kelso et Cherry Smith un groupe appelé Teenagers, qui a été rebaptisé Wailing Wailers par la suite.

En 1964, leur premier single, Simmer Down, cartonne et est déjà en tête des hit-parades en Jamaïque. En 1965, ils sortent ainsi leur premier album.

Petit à petit la face du groupe se redessine autour de Peter Tosh, Bunny Wailer et Bob Marley, les autres ayant quitté le groupe en 1966.

Marley a également épousé Rita Anderson qui a d’ailleurs rejoint le groupe. Il développe également un intérêt profond pour le mouvement rastafari, qui croit en la paix et l'amour universels.

 

Avant toute chose, il faut bien distinguer The Wailers de la période 1966-1973, composé des trois chanteurs cités ci-dessus, et du tournant qu’a pris le groupe après 1973, lorsque Bob Marley prend son envol.

C’est cette période qui nous intéressera ici, puisqu’elle comprend tous les musiciens du groupe, l’apport de nouvelles sonorités et la collaboration fondamentale avec Chris Blackwell.

A cette époque, le monde était bercé par des Rolling Stones, Beattles et autres sonorités Rock, mais surtout occidentales.

De plus, ce dernier étant beaucoup moins mondialisé qu’aujourd’hui, les sonorités afros étaient souvent cantonnés à des réussites locales ou à un public restreint de connaisseurs.

On pourra illustrer ce propos avec les succès légers des albums avant 1973 et la réédition de l’album Catch a Fire.

 

A ses débuts, le projet ne reçoit d’abord qu’un succès léger. Pourtant, les titres interprétés par Bob Marley, notamment Stir It Up, Kinky Reggae, Concrete Jungle ou encore Slave Driver, restent à l’heure actuelle encore d’impérissables classiques.

 

On peut facilement revenir sur le cas de Chris Blackwell, alors grand amoureux des sonorités Jamaïcaines et du travail des Wailers.

Chris Blackwell, était à l'époque le directeur du label Island record, connu pour ses succès avec Traffic, Cat Stevens, Free, King Crimson ou encore Emerson Lake & Palmer a pensé qu’il serait préférable de présenter les Wailers comme un groupe de Rock afro, mieux à même de séduire le grand public.

Le producteur décida de remixer entièrement les morceaux de l’album afin d’y ajouter des solos de guitares de l’Américain Wayne Perkins, issu des studios Muscle Shoals en Alabama, ainsi que les nappes d’orgues produites par le Texan John Rabbit Bundrick, futur membre de Free et des Who.

C’est ainsi qu’un morceau comme Stir It Up s’est vu rallongé de 2 minutes pour y ajouter le solo du guitariste Américain.

 

« Oh, darlin', baby, baby, just you have some faith!
I promise you, we're gonna (rock it, baby; rock it, baby, tonight);
To (rock it, baby; rock it, baby, tonight);
Gonna (rock it, baby; rock it, baby, tonight);
Baby, (rock it, baby; rock it, baby, tonight). » Bob Marley – Rock it Baby

 

Cette version internationale, remixée de l’album est une réussite, le groupe commence à réaliser des concerts en Grande-Bretagne, contribuant grandement à mettre Bob Marley & The Wailers sur le chemin de la gloire et de la reconnaissance.

 

Premier grand classique du reggae, cet album fondateur n’est pas qu’une collection d’images distinctes comme le veut la tradition sur les projets de l’époque en Jamaïque. En effet, il a été conçu à l’image d’un tableau, une véritable œuvre d’art.

Il y expose l’héritage d’un passé colonial encore récent et de la précarité que connaissait la Jamaïque.

Concrete Jungle est le morceau qui vient ouvrir ce projet en nous mettant dans le bain sur les lyrics et les thèmes abordés.

Il offre à goûter l’âpreté et le désarroi de la vie du ghetto. Cette exigence de justice, ce défi lancé à la société des puissants du monde est cependant modéré par de tendres mélodies beaucoup plus légères sur ce projet.

Et ce à l’image de titres comme Baby We ve Got a Date (Rock it Baby) ou de Kinky Reggae, des titres ou les mélodies sont légères et planantes, les arrangements de Blackwell apportent la touche occidentale nécessaire à l’acceptabilité du public et les paroles évoquant le sexe de manière directes viennent donner la chaleur et la sensualité à ces titres.

 

Une chaleur qui restera la bienvenue pour un projet qui restera porteur d’un message de paix et de lutte sociale, perçu comme un véritable cri d’alarme de la part des populations du tiers monde mises de côtés dans un monde qui commence peu à peu à se mondialiser.

Dans cette idée, à l’image du morceau d’ouverture, des titres comme 400 Years ou No more trouble viennent véhiculer des messages puissants, traitant sans concession de l’esclavage et de la condition des noirs.

 

« (400 years, 400 years. Wo-o-o-o, wo-o-o-o)
Look, how long (wo-o-o-o)
And the people they (wo-o-o-o) still can't see.
Why do they fight against the poor youth of today?
And without these youths, they would be gone -
All gone astray

Come on, let's make a move:
(make a move, make a move. Wo-o-o-o, wo-o-o-o)
I can (wo-o-o-o) see time (wo-o-o-o) - time has come,
And if-a fools don't see
(fools don't see, fools don't see. Wo-o-o-o)
I can't save the youth:
The youth (wo-o-o-o) is gonna be strong.
So, won't you come with me;
I'll take you to a land of liberty » Bob Marley – 400 Years

((400 ans, 400 ans. Wo-o-o-o, wo-o-o-o) / Regardez, combien de temps (wo-o-o-o) / Et les gens qu'ils (wo-o-o-o) ne peuvent toujours pas voir. / Pourquoi se battent-ils contre les pauvres jeunes d'aujourd'hui ? / Et sans ces jeunes, ils seraient partis - Tous égarés

Allez, faisons un geste :

(faites un mouvement, faites un mouvement. Wo-o-o-o, wo-o-o-o) / Je peux (wo-o-o-o) voir le temps (wo-o-o-o) - le temps est venu, / Et si les imbéciles ne voient pas / les imbéciles ne voient pas, les imbéciles ne voient pas. Wo-o-o-o / Je ne peux pas sauver la jeunesse : / La jeunesse (wo-o-o-o) va être forte. / Alors, ne viens-tu pas avec moi ; / Je t'emmènerai sur une terre de liberté))

 

On pourra constater que ces messages restent en 2021 plus que jamais dans l’aire du temps, des revendications reprises au travers des époques par différents artistes issus de la culture Afro à l’image de 2Pac ou Jay-Z encore Kanye West.

 

Cette idée de lutte sociale couplée au désir de rendre les sonorités des Wailers plus écoutables pour le public occidental a aboutit au succès planétaire du titre I shot the Sheriff.

Ce morceau sorti en 1973 raconte une histoire du point de vue d'un homme qui avoue avoir tué le sheriff local mais clame son innocence quant au meurtre du deputy sheriff, autrement dit le sheriff adjoint.

Mais le titre prend un tournant, une nouvelle fois sous l’impulsion d’un remix, cette fois ci signé par Eric Clapton.

Lorsque Clapton reprend I shot The Sheriff à sa sauce Blues/Rock le titre est un véritable carton et vient rapidement se placer Top 1 du Billboard Américain et se verra diffusé en boucle au sein de nombreuses stations radios partout dans le monde.

Sur le coup, l’ironie de l’histoire voudra que Bob Marley ait entendu cette nouvelle version du morceau qu’il avait sorti quelques mois plus tôt, sans en avoir été informé,  ainsi partout dans le monde, le public s’enjaillait sur son morceau mais presque personne ne conaissait vraiment le nom de Bob Marley.

 

Toutefois, le succès de cette reprise a joué un rôle crucial dans la popularité de celui qui est devenu le chanteur de reggae le plus connu au monde.

Si Bob l'a eu en travers de la gorge, la reprise de Clapton sortie dans un timing parfait aura aidé Bob Marley à se faire connaître.

Et le timing parfait en question, c’est la sortie en octobre 1974 de l’album Natty Dread qui marquera le début du succès phénoménal qu’a connu Bob Marley par la suite.

Il enchaîne en effet, avec The Wailers sur une tournée aux Etats-Unis l’année suivante, durant laquelle il joue sur scène avec Stevie Wonder et les Jackson Five.

 

Le choc provoqué par l'annonce du décès de Marley, à 36 ans, le 11 mai 1981, fut grande.

Quarante ans plus tard, l'héritage de la première star mondiale issue du tiers monde demeure omniprésente et d’autant plus iconique. 

"Une lumière qui scintille deux fois plus fort dure deux fois moins longtemps", "Et par bien des aspects, Bob Marley était notre étoile la plus brillante. Il a fait beaucoup en peu de temps."

 déclare à l'AFP Judy Mowatt, l'une des trois membres fondatrices des I-Threes, le groupe des choristes du chanteur jamaïcain, qui comptait également Rita, son épouse. 

 

"Cet homme a amené le reggae aux quatre coins du monde, absolument partout", témoignait la chanteuse Jamaïcaine Etana dans une interview récente.

 

Pour la première fois, une musique moderne qui ne venait ni d'Angleterre ou des États-Unis trouvait un écho dans le monde entier.

Un écho qui résonne encore aujourd’hui, comme amplifié par le temps et par la naissance de la légende autour de Bob Marley.

Ainsi, la ou le chanteur n’était pas pleinement satisfait de pouvoir séduire le public Afro Américain de son vivant, il est aujourd’hui érigé en véritable figure de la musique Noire.

Preuve de cet effet post-mortem, la compilation – album posthume sortie en 1984 explosera tous les records en cumulant plus de 25 millions d’exemplaires vendus et une belle position au sein du top 50 des albums les plus vendus de tous les temps.

Ce succès posthume se développera comme une aura partout dans le monde encore jusqu’à aujourd’hui, avec Michael Jackson, très rare sont les artistes à bénéficier encore de ce statut plus que légendaire.

 

Nous vous mettons d’ailleurs au défi de parcourir le monde avec un t-shirt à l’effigie du chanteur Jamaïcain pour se rendre compte que les réactions suscitées au 4 coins du globe iront bien au-delàs de vos attentes.

Aujourd’hui, de tous âges, toutes cultures, les populations connaissent et reconnaissent Bob Marley, ses sonorités atypiques, sa voix singulière…

Et ce, au point que près de quarante ans après sa disparition, chaque nouvel artiste reggae qui apparaît est forcément surnommé le « nouveau Bob Marley ». 

 

En Europe, c'est en France que ses disques sont les plus vendus. Une place à son nom a été inaugurée en 2008 à Montpellier.

 

Les idées et le combat de Bob Marley par la musique pouvaient se résumer par un besoin de reconnaissance des pays du tiers monde par ceux qui dirigent ce monde.

Aujourd’hui, pensez à Bob Marley et vous penserez à la Jamaïque, c’est indissociable ! L’artiste a su porter ses couleurs sur son dos lors de son ascension, rendant ainsi son mythe encore plus fort.

La maison du chanteur a même été transformée en musée et classée par le gouvernement Jamaïcain site national protégé.

Depuis son ouverture en 1986, c'est le site touristique le plus fréquenté de l'île avec plus de 20.000 visiteurs par an.

 

Cela fait aujourd’hui 40 ans que Bob Marley est décédé et sa musique, son image restent des symboles forts. Son influence musicale est allée s’étendre à divers styles musicaux en impactant directement ou non un nombre incalculable d’artistes.

Soit par les sonorités soit par ses idées fortes et ses messages de paix et de justice dans le monde Bob Marley aura donc eu une influence considérable sur le monde.

Un artiste qui restera intemporel, dont les remix aux allures plus occidentales viennent comme sceller ces projets dans le temps, nous livrant ainsi une carte postale de l’époque à laquelle ces derniers sont sortis.

Tom Rivière