Surprise ! Alors que J.Cole avait annoncé son album pour la mi-2020, il nous arrive, sorti de nulle part, avec Snow on Tha Bluff le 16 juin 2020. Le rappeur américain tenait vraisemblablement à s’exprimer sur l’actualité enflammée des Etats-Unis, avec ce morceau résolument engagé. On aurait pu penser à un coup de com’ savamment pensé, si le titre n’était pas si expressément politique. On doute même qu’il apparaisse sur son futur album.
Sur Snow on Tha Bluff, J.Cole affirme être plein de bonnes intentions… Il est vrai que le morceau témoigne d’une véritable colère face aux violences policières visées contre la population noire américaine, notamment dans le cadre de l’affaire Georges Floyd, assassiné par le policier blanc Derek Chauvin. Mais difficile de ne pas voir au travers de ses lyrics la marque d’un égo quelque peu blessé par les critiques reçues sur les réseaux sociaux.
« Now I ain't no dummy to think I'm above criticism / So when I see something that's valid, I listen
/ But shit, it's something about the queen tone that's botherin' me »
« Ma foi, je ne suis pas assez idiot pour me croire à l'abri des critiques / Alors, quand je vois quelque chose de valable, je l'écoute / Mais merde, il y a un truc de "grande dame" dans son intonation de voix qui me dérange »
Pour mieux comprendre le drama, il faut s’aventurer sur les comptes Twitter de certaines célébrités américaines, notamment la rappeuse Noname qui pointe J.Cole du doigt - lui et sans doute d’autres, elle reste évasive - au travers d’un indirect sur Twitter : « La population noire pauvre à travers tout le pays mettent corps et âme dans les protestations pour notre sécurité collective, et vos plus grands rappeurs préférés ne veulent même pas poster le moindre tweet […] »
Or J.Cole, aux côtés de Kendrick Lamar, s’était jusqu’alors affirmé comme une personnalité phare de l’activisme antiraciste aux Etats-Unis : en effet, il avait déjà marqué les esprits par son morceau Be Free en 2014, seulement quelques jours plus tard après la mort de Michael Brown, tué par balle par un policier blanc. Le morceau avait fait le tour de la planète en quelques heures seulement, largement hypé par l’opinion publique sur les réseaux sociaux. Ses lyrics poignants « All we want to do is take the chains off / All we want to do is be free » («Tout ce que l'on veut c'est briser les chaînes / Tout ce qu'on veut c'est être libres ») lui avaient valu d’être considéré comme chef de file de la lutte parmi la scène hip-hop US.
J. Cole a toujours mis un point d’honneur à exprimer sa colère en tant que Jermaine Cole, citoyen américain et noir, et non en tant que J.Cole, star du rap US. Cette distinction lui semble importante car elle traduit pour lui l’authenticité de son propos. Ses intentions sont vraisemblablement loin d’être celles d’un businessman en soif de soigner son image.
Et pourtant, cette fois, sur Snow on Tha Bluff, il est loin de faire l’unanimité. S’il voulait préserver son image, c’est raté, puisqu’il fait un sacré bad buzz sur Twitter. En effet, plus qu’une musique engagée, le morceau apparaît plutôt comme une justification de son silence sur les réseaux sociaux. Une grande partie du son se moque indirectement des propos de Noname, tournant en dérision son discours d’activiste du web, qu’il considère comme futile. Si l’artiste affirme sur Twitter que l’on fait une mauvaise interprétation de ses paroles, l’évidence est pourtant difficile à nier…
« My IQ is average, there's a young lady out there, she way smarter than me »
« J'ai un QI dans la moyenne, il y a une jeune femme dehors, elle est bien plus intelligente que moi »
Au bord de la misogynie, c’est tout un couplet qu’il dédie spécialement à la rappeuse, traduisant une véritable irritation. Eh oui, J. Cole n’a sans doute pas l’habitude de se faire reprendre par une femme, alors l’égo en prend un coup. Ses mots ne passent pas inaperçus, considérés comme paternalistes, et les militants antiracistes ne manquent pas de le « call out » (dénoncer publiquement) sur Twitter : une lutte contre une oppression ne doit pas être l’occasion d’oppresser une autre minorité discriminée. Raté pour J.Cole donc, qui fait ainsi l’objet de railleries sur la plateforme, et est officiellement « cancelled » (punit par l’opinion publique et tenu pour responsable de ses actes).