Bunny se fraie un chemin dans le rap depuis le Cantal

Publié le: 09/09/2020 11:32
Mis à jour le: 05/10/2020 12:27
On n'aurait pas cru un jour qu'Aurillac serait un jour un incubateur à rappeur, mais Bunny vient remettre en doute toutes nos certitudes.

Bunny est de cette nouvelle vague de rap français. Ceux dont le nom ne vous dit peut-être rien pour le moment, mais qui se constituent petit à petit leur public en toute discrétion. Tout droit venu d’Aurillac, Bunny - autrefois Bugz-Bunny, ce qui vous éclairera sans doute sur l’origine de son nom - s’était déjà illustré il y a maintenant 6 ans dans le Planète Rap de Guizmo, puis dans une série de Freestyle 50K. Jusqu’alors caractérisé par son côté très « rap conscient » et ses instrus old school, il se détache peu à peu de ce style pour s’essayer aux tendances plus actuelles.

 

Avec son look assez typique de la rue, on n’oserait pas soupçonner qu’il vient du Cantal, et c’est pourtant avec fierté qu’il brandit l’étendard aurillacois dans sa musique. Loin de complexer face aux figures des classiques entre Paris et Marseille, Bunny n’hésite pas à kicker avec virulence sans se soucier de sa street-crédibilité. Aurillac a vraisemblablement du souci à se faire avec un tel spécimen dans ses parages.

 

2020 n’a pas démonté la détermination de l’artiste, au contraire puisque c’est bien cette année que l’on a pu constater une implication sérieuse et professionnelle de Bunny. Son single Paw est par exemple disponible sur les plateformes ; mais ce qui est le plus explicite de son évolution dans le milieu est sans aucun doute son travail sur les clips. Cette année a ainsi été parsemée de 5 titres clipés de l’artiste. 

 

Parmi ces 5 singles clipés, Quartier a su se démarquer : réalisé par Pierre Gounin, Siriboy, Mauvaiscamp et Camhaprod, on y voit le Cantal sous un autre oeil. Bunny a décidément réussi à nous faire croire en 3 minutes que l’Auvergne était un ghetto majeur de l’hexagone, à grands coups d’armes à feu et de motocross. Et rien que pour ça, on peut déjà considérer le clip comme étant une réussite, bien que les clips en bas du block ne témoignent pas d’une grande créativité. Bunny n’est néanmoins pas dupe, il a conscience que les conditions aurillacoises sont bien éloignées du monde que l’on peut trouver dans certaines banlieues : en toute honnêteté il admet l’exagération artistique de la chose, dans une optique de tout de même exposer une réalité jamais trop évoquée.

 

À cela l’on peut néanmoins nuancer la chose en s’attardant sur le clip de Medley, qui lui à l’inverse témoigne musicalement comme visuellement d’une certaine recherche : son titre est assez explicite à ce sujet, puisque le rappeur s’aventure dans un premier temps dans une instru de trap aux sonorités cloud étouffées, qui se révèlent progressivement et prennent le dessus sur les beats dans une seconde partie, dans une transition habilement menée. De même, le clip témoigne d’une plus grande recherche esthétique, jouant sur des plans tantôt éclairés, tantôt sombres, tantôt aux couleurs neutres et tantôt teintés de rose. 

 

Dernièrement, c’est sur Ah Ouais que Bunny s’est illustré, où il est clair et net que le rappeur à abandonné son rap conscient d’antan pour incarner pleinement son égotrip. Réalisé par Pierre Gounin et Siriboy, on y voit le rappeur entouré d’une Cadillac, d’une villa, d’une danseuse et de ses proches, dans un clip qui ne déborde pas d’originalité mais qui a le mérite d’être très bien réalisé et de coller à merveille au titre. Il y exhibe ses tatouages et incarne une attitude très confiante, qui ne laisserait aucunement soupçonner ses origines auvergnates. Décidément, Bunny nous apprend mieux que personne à nous défaire de nos préjugés.

 

L’ascension progressive des rappeurs comme Bunny n’a de cesse de nous rappeler que le rap se popularise toujours plus, et parvient à toucher des milieux divers et variés plus que jamais. Non seulement le rap se décentralise de ses coeurs historiques - entre la capitale et la cité phocéenne - mais s’incarne de plus dans des personnages insoupçonnables. Le rap devient une façon de s’exprimer et de mettre en exergue des réalités jamais connue : qui aurait pu se douter qu’Aurillac pouvait incarner d’une façon ou d’une autre une zone à risque depuis notre parisianisme autocentré ?

Yassmine Haska