Booba pris à son propre jeu

Publié le: 29/09/2020 11:18
Mis à jour le: 05/10/2020 12:31
On ne présente plus Booba, icône du rap français, légende vivante… On pourrait parler de sa carrière et de sa discographie pendant longtemps. Pourtant, malgré ce que l’on peut croire, le DUC a rarement été numéro 1. Du moins, seul. De IAM à Rohff en passant par Kaaris ou Damso plus récemment, Kopp règne sur le rap français par son influence, plutôt que réellement par sa musique. On retient particulièrement deux années : 2002 et 2006, avec Temps Mort et Ouest Side. Depuis Booba a souvent été dépassé. C’est dans les clashs et la confrontation que Booba a véritablement fait sa légende. Booba collectionne les certifications, mais à force de jouer et de gagner, le Duc s’est retrouvé seul au sommet de sa tour d’ivoire. Et pour la première fois, sans challenge. Sans aucun adversaire si ce n'est lui même.

Si l’on vous dit Booba, forcément, dans les mots qui viendront, nombre d’entre eux auront un rapport avec des clashs. Le DUC est une sorte de Maximus, se battant dans une arène où il règne en maître. Ce qui est intéressant chez lui, c’est la traduction de ces conflits en réalisations musicales. Fier de son rap, il ne se contente pas uniquement d’un post Instagram, mais bien de faire pulluler des morceaux. La force de Booba est de transformer ses tracks en véritables hits. On n’écoutait jamais A.C. Milan une seule fois. Alors que ses adversaires attaquent directement Booba, lui préfère réaliser des morceaux, où la mère de son adversaire est insultée et se fera insulter dans toutes les soirées de France. Mais ne vous méprenez pas, cette tendance n’est pas nouvelle, c’est une tradition qui commence à remonter. De IAM à Damso, de Jean-Pierre Seck à Laurent Bouneau, tout le monde en a pris pour son grade.

Le but de cet article n’est pas de refaire la carrière de Booba et de parler de chacun de ses clashs. Non, l’objectif est de comprendre pourquoi et comment le Duc s’est fait prendre à son propre jeu. Kopp a besoin de challenge, de stimulation, et par-dessus tout, d’un adversaire à combattre. Mais Booba n’a simplement plus aucun rival. La nouvelle génération est soit déconnectée de ce game, à l’image de PNL. Ou bien dans une démarche totalement opposée, comme Jul qui préfère déverser de l’amour à tout va. Tout le monde le sait, Booba a décidé de s’attaquer à sa propre équipe. Mais, encore une fois, le concerné Damso, n’a pas l’air de s’intéresser à une guerre contre le pirate. « Dans c'game, ils ont tous peur de Booba. J'dis tout haut c'que les gens pensent tout bas » Cette phrase de Kalash Criminel avait buzzé. Qu’en est-il en réalité ? Les rappeurs ont-ils peur de Booba, ou inversement, ce dernier n’est que victime de son succès. Vaut-il mieux devenir proche du Duc afin d’avoir un morceau placé numéro 1 - quitte à risquer sa carrière. Ou bien rentrer dans un clash (perdu d’avance) avec en prime, le risque de voir sa carrière annihilée. Oui les feats c’est bien. Oui, on veut plus d’albums commun. Et oui, on veut des albums à la 93Empire. Mais on veut aussi du sang, des larmes, des freestyles. De ces moments qui font que le hip/hop est ce genre si particulier. Par-dessus tout, on veut de la bonne musique. Et si à la place d’un énième post Instagram, on a le droit à de terribles morceaux…

 

Le monde du rap et ses rappeurs ont bien compris que pour les chiffres, il y’a plus d’intérêt à collaborer avec Ninho ou Heuss, que de s’immiscer dans un quelconque clash. Le monde est régi par l’argent et le rap n’y fait pas exception. Or, l’argent est le nerf de la guerre. Clasher un rappeur, c’est prendre le risque de griller des opportunités, comme des projets communs ou des festivals. En résumé : trop dangereux. L’âge d’or du Rap Contenders est bien révolu. Le clash est devenu un art qui se meurt. Il est aussi vrai qu’à l’ère des réseaux sociaux, nos rappeurs préférés sont plus à même d’écrire un thread ou de faire une story qu’un morceau. En même temps, comment imaginer Nekfeu ou Lomepal s’en prendre directement au Duc ? Le nombre de personnes qui s’intéressent au rap a augmenté, le public s’est développé et a évolué. Les rappeurs ont aujourd’hui une image à entretenir, différente de celle de l’époque de nos grands frères.

Noé Grieneisen