A Kolyma, à Kolyma qui est un enfer blanc
Tout près du camp, un jour de brouillard
J'ai vu un mégot avec du rouge à lèvres
Et j'ai couru pour le ramasser
Quatre ans ici, sans voir une femme
Et puis enfin un coup d' chance
Ce mégot peut-être tombé d'un avion
Et que le vent sauvage m'a apporté
Je pense à toi, avec qui fais-tu l'amour ?
Avec qui partages-tu ta cigarette ?
Je sais bien que toi, tu ne prends pas l'avion
Pour voler par-dessus ma tête
Ce mégot-là, tous me l'enviaient
L'assassin comme le pédéraste
Même les droit-commun, les aristos du camp
En avaient pour moi du respect
Ce mégot-là, je l'ai perdu aux cartes
Il valait pourtant mille roubles
Mais, là aussi, la chance ne m'a pas aidé
Je pensais à ma dame de trèfle
J'ai tout perdu de ce que j'avais
Ma ration de sucre pour deux ans
Et je reste là, les mains sur les genoux
Et pour travailler, rien sur le dos
Rappelle-toi, salaud, comme tu claquais l'argent
Pour les femmes aux lèvres rouges
Fallait-il pour ça, camarade gardien,
Taper si fort de votre poing ?
Alors, ils m'ont conduit au cachot
Les pieds nus comme Jésus-Christ
Et pendant dix jours, de mes lèvres en sang
J'ai fardé de rouge mes mégots
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