(Jersey, 9 octobre 1853)
Comme j'allais fermer ces pages inflexibles,
Sur les trônes croulants, perdus par leur sauveur,
La guerre s'est dressée, et j'ai vu, moi rêveur,
Passer dans un éclair sa face aux cris terribles.
Et j'ai vu frissonner l'homme de grand chemin !
Cette foudre subite éblouit ses prunelles.
Il frémit, effaré, devant les Dardanelles,
Ô lâche ! Et peut-être demain,
Grâce aux soldats nos fils, vaillants, quoique infidèles,
Demain sur ce front vil, sur cet abject cimier,
Comme un aigle parfois s’abat sur un fumier,
Quelque victoire aveugle ira poser ses ailes !
Malgré ta couardise, il faut combattre, allons !
Bats-toi, bandit ! c’est dur ; il le faut. Dieu t’opprime.
Toi qui, le front levé, te ruas dans le crime,
Marche à la gloire à reculons !
Quoi ! même en se traînant comme un chien qui se couche,
Quoi ! même en criant grâce, en demandant pardon,
Même en léchant les pieds des cosaques du Don,
On ne peut éviter Austerlitz ? Non, Cartouche.
Nul moyen de sortir de la peau de César !
En guerre, faux lion ! ta crinière l’exige.
Voici le Rhin, voici l’Elster, voici l’Adige,
Voici la fosse auprès du char !
La guerre, c’est la fin. Ô peuples, nous y sommes.
Pour t’entendre sonner, je monte sur ma tour,
Formidable angelus de ce grand point du jour,
Dernière heure des rois, première heure des hommes !
Droits, progrès, qu’on croyait éclipsés pour jamais,
Liberté, qu’invoquaient nos voix exténuées,
Vous surgissez ! voici qu’à travers les nuées
Reparaissent les grands sommets !
Des révolutions nous revoyons les cimes.
Vieux monde du passé, marche, allons ! c’est la loi.
L’ange au glaive de feu, debout derrière toi,
Te met l’épée aux reins et te pousse aux abîmes !
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