Là-haut gronde un orage.
Le soleil plein de rage
Semble s'extasier
Dans un brasier.
Le turbulent tonnerre
Célèbre un centenaire
Au milieu des éclairs
Ardents et clairs.
A quelle oeuvre inconnue
Travaillent dans la nue
Les Chérubins riants
Des Orients?
Ces faiseurs de poëmes
Ouvrent, comme nous-mêmes,
Une Exposition
Dans leur Sion.
On y vient du nocturne
Sirius, de Saturne,
De Vénus tout en feu
Dans l'azur bleu,
Et de l'ombre où fulgure,
Détachant sa figure
Dans l'éther de safran,
Aldébaran.
Le Berger des étoiles
A dans ses larges toiles
Emprisonné divers
Grands univers.
Là, tendant leurs échines,
D'invincibles machines
Font mouvoir les vermeils
Coeurs des Soleils.
Puis, des fontaines vives
Dans leurs eaux convulsives
Roulent des firmaments
De diamants.
La chevelure d'Eve
Et sa bouche de rêve
Les ont teintes de leurs
Tendres couleurs,
Et des jardins étranges
Fleurissent, dont les Anges
Ailés et triomphants
Sont les Alphands.
Là naissent, blancs et lisses,
Ouvrant leurs purs calices
Près des amaryllis,
D'immenses lys,
Et des roses farouches,
Pareilles à des bouches
Que tout baise à l'entour,
Disent: Amour!
Parmi l'or des fournaises
Dansent des Javanaises
Venant d'une Java
Où nul ne va.
Mille milliers de rimes
S'éparpillent, sublimes,
En un glorieux chant;
Et se penchant
Vers les grands téléphones,
Hurlent des Tisiphones
Et parlent en mots fins
Les Séraphins.
Dans la nue électrique,
Dieu, puissamment lyrique,
Lutte avec Edison
A sa façon;
Et de ses mains profondes,
L'ingénieur des mondes
Construit dans le plein ciel
Sa Tour Eiffel!
9 juillet 1889.
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