Les oiseaux commençaient leur musique légère ;
Les arbres échangeaient les premiers hannetons ;
Et l’on voyait au loin passer une bergère
Qui gardait un troupeau de brume et de moutons.
Le gazon se baignait dans un bain de rosée ;
Le soleil se levait sur le jour d’aujourd’hui ;
Chaque feuille semblait, par le matin, rosée,
Et la fraîcheur d’hier dormait sur chaque fruit.
Dans une plate-bande à bordure d'oseille,
Majestueusement poussaient les artichauts ;
Sur le mur au-dessus d'un buisson de groseille,
Pendait le chasselas poudrerizé de chaux ;
S’échappant d’un carré de salade superbe,
Un légume parfois s’approchait d’une fleur
Car on voyait pousser, côte à côte dans l’herbe,
Des petits pois tout verts et des pois-de-senteur ;
Bedonnant doucement sous leur cloche de verre,
Les melons presque mûrs avaient de beaux tons roux ;
Des mouches bourdonnaient aux portes de la serre,
Et des papillons blancs voltigeaient sur les choux ;
Le vieux tonneau de bois, rempli d’une eau éteinte,
Rêvait : Serais-je pas un ruisseau pour de bon ?
Et, toujours peinte à neuf, la tendre coloquinte
Gémissait : Ah ! cessez de me croire en carton !
On entendait au loin pépier l’alouette ;
Entre les noirs lauriers aux grâces de fuseaux
Se dissimulait mal l’informe silhouette
Du bonhomme en chiffons qui fait peur aux oiseaux.
Mais, comme il n’y avait dans l’heure enchanteresse
Personne encore et qu’on respirait du bonheur,
Tous les petits oiseaux piquaient d’une caresse
Le bonhomme en chiffons qui ne leur fait pas peur.
Ils disaient : Tui ! tui ! tui ! très malins nous le sommes :
Nous fuirons tout à l’heure avec un grand effroi…
Mais tu es bien meilleur que tous les autres hommes,
Et, quand nous sommes seuls, nous venons tous sur toi !
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